L'histoire :
Le petit Jack découvre le monde par une nuit d’orage en septembre 1746. Trois jours après cette timide arrivée, le voici déjà orphelin avec pour seul bagage un petit médaillon. Après avoir passé les premières années de son existence dans un orphelinat, Jack subit de plein fouet « le Grand Dérangement » : les britanniques, en prenant possession des terres françaises au Canada, déportent leurs habitants, soit plus de 12000 Acadiens. Le garçonnet se retrouve alors embarqué comme mousse sur un navire marchand anglais, le « Virginia ». A bord, la vie est dure. Si dure, qu’il échappe de justesse au viol, grâce à un vieux loup de mer surnommé Lucky Roberts (aucune maladie, aucun accident, malgré 10 abordages dans la Navale !). Après une traversée transatlantique, le « Virginia » fait route au large de la « Côte des Graines » pour prendre possession d’une marchandise qui ne l’honore pas : plusieurs centaines d’esclaves noirs, hommes, femmes ou enfants, tous enchainés. Ce spectacle bouleverse Jack au point de l’empêcher de fermer les yeux à la nuit tombée. Cette même soirée, des coups de feu donnent le signal d’une mutinerie magistralement organisée par Roberts et quelques uns de ses compagnons. Le colosse, dont le vrai nom est John Place, et qui n’en est pas à son premier fait de piraterie, propose à l’équipage ni plus ni moins que de refonder la « Confrérie des Pirates », pour vivre enfin en hommes libres, sans injustices, sans humiliations… Qu’à cela ne tienne, Jack devient pirate. Un flibustier dont le médaillon, qui orne son cou, fera voyager…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Voici un ouvrage dont la couverture agit tel un gâteau pimpant dans la vitrine d’une pâtisserie : on salive d’avance, on se régale sans goûter. Et si parfois les saveurs pâtissières ne sont pas à la hauteur du plaisir des yeux, il n’en est rien avec cet album des sieurs Prugne et Oger : l’accrocheur emballage est au tempo du contenu. En premier lieu on s’emplit la panse d’un vrai récit d’aventure, de ceux qui fleurent bon les Fenimore Cooper et autre Stevenson de notre enfance : ça boucane, ça regorge d’indiens, ça court les doublons cachés avec une carte et d’énigmatiques indications. On adore et pourtant Tiburce Oger use d’une trame on ne peut plus classique, qui ne cherche ni l’esbroufe, ni la stupéfaction. Il préfère assoir son récit sur une base historique (une période de l’histoire américaine qui le passionne depuis longtemps) mâtinée de références puisées dans le petit monde de la piraterie, sur la trace de l’une des maîtresses du célèbre corsaire Jack Rackam, l’irlandaise Anne Bonny. Sur ce terreau, les protagonistes poussent alors aisément, nous faisant vivre un pur moment d’évasion. En second lieu, notre dessert est un vrai bonheur pour les yeux : aquarelles délicieusement colorées qui imbibent délicatement le papier, découpage, cadrages de haute tenue et une incroyable aération. Patrick Prugne sort le grand jeu, s’applique, s’implique et nous laisse le temps de savourer : un grand moment. Notons la part active de l’éditeur à ce réel succès : en laissant de l’espace via un format parfaitement adapté ; en choisissant un superbe papier ou en offrant 24 pages de travaux préparatoires, il ne se moque pas du lecteur et porte haut la bannière du 9e art.