L'histoire :
Monsieur le bourgmestre a convoqué le commissaire Crémèr dans son bureau pour l’entretenir d’une affaire délicate. En effet, les Slap Matching, une formation de musique moderne, inquiète les autorités par sa propension certaine à corrompre la jeunesse. Pire : sa fille Monique a fugué en compagnie des musiciens du groupe ! Or, non seulement ces hirsutes produisent une musique assourdissante, mais ils poussent l’indécence jusqu’à jouer nus sur scène. En compagnie de son adjoint Lucas, le commissaire Crémèr se rend donc en Hollande, à Breda, où le groupe doit jouer ce soir-là. Chemin faisant, et alors que les deux policiers grignotent un gâteau bizarre acheté dans une boutique locale, une rage de dents se réveille chez Crémèr. Le commissaire rentre donc dans une pharmacie… lorsque les effets psychédéliques du gâteau se font sentir et altèrent durablement leurs discernements. Soudain joviaux au dernier degré, Crémèr et Lucas se mettent à faire la fête : ils dansent, font du vélo, vont à la fête foraine et braquent même des hippies pour leur piquer leurs accoutrements afin de passer inaperçus à la sortie du concert. Là, contre toute attente, un des musiciens leur signe un autographe ! Ils reprennent leurs esprits sur la route du retour, tandis que la douleur dentaire de Crémèr se réveille atrocement…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après un premier tome réjouissant, on jubilait par avance de retrouver la verve philosophico-burlesque de ce couple improbable de policiers. On ré-embraye pourtant en se demandant où David Vandermeulen, le scénariste, veut en venir… On a l’impression de sauter d’interludes en interludes, attendant qu’une intrigue commence réellement. Le tout est dessiné par Daniel Casanave à l’aide d’un style spontané idoine, très « nouvelle vague » (Lucas, c’est un peu la tête à toto). Sans trop s’y attendre, on assiste alors au trip hilarant des héros (un transport extatique de 8 planches totalement muettes), dont on comprend sur le tard qu’ils ont absorbé une substance psychédélique… Il faut attendre le dernier tiers de l’album pour enfin renouer avec les aspects philosophiques qui faisaient tout le charme du premier tome. Cette fois, la réflexion joviale porte évidemment sur les effets de l’art, et plus particulièrement sur l’art transgressif, celui qui trouve sa raison d’être dans le chavirement des sens du sujet. Le récit prend alors tout son sens, le lien se crée entre création artistique et consommation de substances psychédéliques, une thématique que ne renierait pas un certain Moebius… (il faut fumer pour comprendre). Bref, tout cela a finalement toujours bien plus à voir avec la philosophie qu’avec une véritable enquête policière, n’en déplaise au nom du héros (Bruno Crémèr, inspiré par l’acteur de Maigret à la téloche)… et tant mieux !