L'histoire :
Août 99, un homme en nage marche sur le bas côté d’une petite route de campagne traversant la garrigue provençale, un bidon vide à la main. Tombé en panne d’essence quelques kilomètres en amont, il parvient enfin à une station service. Il y remplit son bidon, engloutit des litres de Perrier et passe aux toilettes. Tandis qu’il se rafraîchit le visage, Frantz sort d’une cabine derrière lui. Les deux hommes se dévisagent dans le large miroir et se reconnaissent… avec effroi. Le premier sort aussitôt de la station avec son bidon, en direction de son véhicule. Après avoir viré sa nana, Frantz le rattrape, au moment où l’homme arrive à sa voiture. Ce dernier tente d’empoigner la carabine se trouvant dans son coffre. Une lutte s’engage qui se conclue par l’assassinat volontaire de l’homme par Frantz. Sans ciller, ce dernier appelle alors Rémi, son pote, à la rescousse. 9 ans plus tard, Frantz, Martial et Dédé sont à l’enterrement de Rémi, mort de ses excès. Les 3 hommes sont affectés par la perte de leur ami. Le lendemain, Martial passe récupérer des « caisses de vins » lui appartenant, dans la cave de la veuve de Rémi. Derrière une pierre mouvante du mur, il trouve également une enveloppe contenant des papiers d’identité au nom de Jean-François Redon. Ancien gendarme, qui a néanmoins baigné avec ses amis dans une magouille, Martial mène son enquête…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le prolifique scénariste Eric Corbeyran est rarement aussi bon que lorsqu’il est associé à Olivier Berlion, comme le prouve leur excellent one-shot Rosangella. Ici, le duo magique livre les prémices d’un polar rural provençal à hautes tensions, prévu en diptyque. Le récit alterne trois époques. On découvre tantôt la jeunesse de cette bande sulfureuse d’amis, à la fin des 70’s, tantôt l’origine de l’« affaire » qui prend racine à la fin des années 90, et enfin ses résurgences de nos jours (2008), au lendemain de la mort de Rémi. L’atmosphère étouffante colle logiquement avec la région évoquée dans le titre, cette Garrigue aussi suffocante de chaleur que menaçante. Accablés par leur secret caniculaire, les protagonistes nous transmettent leur stress à travers leurs regards et leurs non-dits. Le dessin réaliste d’Olivier Berlion, tout en couleurs directes, rend parfaitement ces tensions. Les expressions des personnages sont donc au cœur de l’intrigue, mais Berlion fait également honneur aux paysages provençaux et ruraux. Si la zone géographique est plutôt celle de son Tony Corso, l’auteur emploie ici un style graphique plus proche de sa trilogie Histoire d’en ville. L’arnaque meurtrière à laquelle ont participé les 4 amis reste très mystérieuse au terme de cette mise en bouche. On est néanmoins appâté par ces différentes séquences complémentaires, comme autant de pièces d’un même puzzle, baignant dans un climat de tension omniprésente, sans en comprendre encore les enjeux et les mécanismes. Or en général, dans la garrigue, rien de tel qu’un bon orage pour remédier à la chaleur… Ouf, celui-ci est (déjà) prévu pour éclater fin août, pour la suite et fin de ce diptyque haletant.