L'histoire :
Dans le New York des années 30, après le crack du jeudi noir de Wall Street, les gratte-ciels poussent comme des champignons. Ayant fait fortune dans le pétrole, la famille Rockfeller se lance à son tour dans l’immobilier. A l’heure où une grande majorité des newyorkais mange à la soupe populaire, un groupe d’irlandais venus vivre leurs rêves américains jouent les funambules sur les poutres métalliques à plusieurs dizaines de mètres du plancher des vaches, pour un peu plus d’un dollar l’heure. Ces hommes venus trouver fortune de l’autre côté de l’atlantique vivent dans des conditions minimalistes afin d’envoyer la majeure partie de leur paie au pays et ainsi améliorer les conditions de vie de leurs familles. Même avec la protection de St Patrick, certaine fois, le diable joue à les faire tomber. Le remplacement des forces vives est facile par ce temps de crise, le travail manque et la main d’œuvre fait la queue chaque matin devant les chantiers pour trouver du travail. Dan Shackleton, jeune recrue sans expérience, va intégrer l’équipe de Giant, un grand gaillard sans grande discussion, pour remplacer un membre de l’équipe décédé quelques jours plus tôt. L’équipe s’est occupée des funérailles et Giant est chargé de prévenir la famille ainsi que de leur transmettre la modique pension attribuée par l’union des métalliers. Ce dernier, apparemment sans famille, ne va pas réussir à annoncer la nouvelle et va se faire passer pour son collègue décédé auprès de sa famille, en leur écrivant des lettres et en envoyant de l’argent fréquemment. Un jeu dangereux qui risque bien de se retourner contre lui…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il n’y a pas à dire, comme l’annonce Jean-Louis Tripp dans la préface : Mikael sait raconter des histoires et il nous en sert une très belle. L’immersion dans la dépression américaine des années 30 est totale. L’auteur mets un coup de projecteur sur le monde cruel de la construction métallique, à l’heure où le Chrysler Building, l’Empire State Building ou encore le Rockfeller Center sortent de terre. Ce dernier building connu pour ses fameuses photos où l’on voit des ouvriers prendre le déjeuner assis sur une poutre métallique à plusieurs dizaines de mètre au-dessus du sol, va être le cœur de l’histoire. Dans ce contexte de crise où la vie humaine ne compte pas beaucoup, car vite remplacée par les dizaines et les dizaines de chercheurs d’emploi qui font la queue chaque matin devant le chantier, le personnage principal se détache des autres par son silence. Connu que par un surnom, Giant, ce grand gaillard fort comme un ours est extrêmement attachant. Son passé distillé au compte-gouttes suspend le lecteur à la pointe de la mine de l’auteur, ce qui ajoute un attrait supplémentaire à la découverte de l’histoire. Coté dessin, Mikael nous propose un trait plutôt semi-réaliste de très belle qualité et les cases représentant les buildings sont superbes. Entre nous, le petit plus qui met cet album dans le haut du panier est la colorisation. L’utilisation de l’effet photographique sépia renforce l’aspect ancien et plonge encore plus profondément le lecteur dans la période souhaitée. Cependant, on s’attendrait à supprimer cet effet pour les cases relatant l’histoire en Irlande, car dans l’imaginaire de chacun, les « land » irlandais sont d’un vert éclatant. Mais comme nous sommes dans la même époque, l’uniformisation des planches avec la technique sépia est justifiée. Le cahier graphique de la première édition vaut le détour et en dit long sur les capacités artistiques de l’auteur. Une mention spéciale pour le portrait de Mary Ann, magnifique et extrêmement bien travaillé. Cet album doit se trouver dans votre bibliothèque.