L'histoire :
« Giant » est le surnom donné à un émigré irlandais, un costaud taiseux, qui travaille à l’édification des buildings dans le New-York de l’entre-deux-guerres. A des hauteurs vertigineuses, il plante les rivets dans les poutrelles avec un marteau à air comprimé, comme personne. Mais Giant dissimule aussi un passé lourd, sur lequel il ne s’exprime jamais. Comme pour acheter sa rédemption, il entretient une relation épistolaire à travers l’Atlantique avec la veuve d’un de ses anciens collègues, Murphy, qui a fait une chute mortelle… mais qui croit correspondre avec son mari. Il lui envoie quasiment tout l’argent qu’il gagne et lui donne des nouvelles de la tumultueuse vie newyorkaise, qui tranche avec la misère de l’Irlande rurale. Or cette nouvelle vie incite la veuve et ses deux enfants à économiser pour le rejoindre. « Heureusement », une mauvaise toux de l’un des fistons circonscrit la petite famille à un stage de plusieurs semaines dans une zone dédiée aux contagieux. Pendant ce temps, Giant est soigné par la voisine du dessous, suite à un violent règlement de compte. Intéressée, la voisine lui vole son courrier et l’abandonne lorsqu’elle s’aperçoit qu’il envoie tout son argent à une femme restée au pays. Giant ignore donc que la femme de Murphy est en train de rejoindre son époux, pétrie d’espoir…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le diptyque Giant est né d’une photo publicitaire devenue mythique : celle qui met en scène une ribambelle d’ouvriers crânement installés sur une poutrelle métallique, le temps du lunch, à une hauteur vertigineuse surplombant Manhattan, lors de la construction du Rockefeller Center. En auteur complet, le canadien Mikaël imagine des destins tragiques et passionnés à partir de ce cliché, dont le photographe et les acteurs authentiques restent majoritairement énigmatiques. Avec un formidable talent pour restituer les ambiances brumeuses et la misère de l’époque, il nous convoque dans le New York de la grande dépression, de la prohibition, de la lutte clanique entre italiens et irlandais. Et il émeut avec les relations noueuses qu’entretient son héros, un colosse muet patriotique au cœur tendre, avec le collègue bavard Dan Shackleton ou la jeune et jolie veuve éplorée et émigrée. Il prend le temps de boucler son histoire, une convergence de destins forcément poignante, en révélant le passé tragique et en évoquant l’avenir prometteur. Son méticuleux dessin semi-réaliste encré, peaufiné et équilibré, se complète de fort heureuse manière de teintes ocre et sépia, corolaires inhérent aux cartes postales et documents d’époque. Un cahier graphique de 8 pages accompagne la première édition de ce magnifique diptyque, pour preuve, s’il en était besoin, du travail documentaire et chara-design réalisé par Mikaël.