L'histoire :
C’est le grand jour. Une jeune fille a un rendez-vous galant ce soir avec un certain René Descartes, un mathématicien, physicien et philosophe. Pour ce faire, elle décide de faire un petit tour chez l’esthéticienne du coin. Au programme : épilation du maillot à la cire. Ça va chauffer. Ça va piquer, aussi. Car oui, la cire, ça fait mal. Mais ça tombe plutôt bien, car dans ses Méditations Métaphysiques, Descartes cherche à fonder la science en montrant dans l’analyse d’un morceau de cire que la matière n’est connue ni par les sens, ni par l’imagination, mais une inspection de l’esprit issue de l’entendement... Or à l’institut de beauté, lorsqu’on approche la cire du feu et qu’elle fond, ça brûle la peau. Beaucoup. Et lorsque la cire se colle délicatement sur la pilosité pour être arrachée avec vigueur dans des endroits douillets, ça fait mal. Très mal. Autant dire que la jeune fille connait le pouvoir d’un si petit morceau de cire qu’on chauffe. Mais René, même sur l’oreiller, est intarissable sur le sujet. Pour lui, la conception de la cire qui change de forme près d’une source de chaleur doit être appréhendée non pas par l’imagination mais par l’entendement et l’esprit. Cette inspection de l’esprit peut être imparfaite et confuse ou bien claire et distincte... La soirée qui s’annonçait torride pour la jeune fille, tombe à l’eau et ce rendez-vous galant s’avère un fiasco : René parle trop. C’est un cérébral. De là à dire que le bâton de Descartes n’est qu’une illusion, il n’y a qu’un pas...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Décidemment, on peut dire que Catherine Meurisse a le vent en poupe en ce moment ! En effet, peu de temps avant son intronisation à l’académie des Beaux-Arts, Dargaud met en tête de gondole Humaine, Trop Humaine, une œuvre qui rassemble les planches déjà publiées depuis 2017 dans la revue Philosophie Magazine. Le principe est simple mais intéressant : dans chaque épisode, l’auteure met en scène un intellectuel de renom – philosophe, penseur, essayiste – à l’instar de Platon, Voltaire, Camus ou Sartre, dans une situation quotidienne, toujours décalée et souvent incongrue, dans l’objectif de présenter et saisir l’un des concepts-clés de sa pensée. À partir de là, Meurisse s’inscrit dans l’actualité du moment (le féminisme, les réseaux sociaux...) avec beaucoup d’humour, de finesse et de de pertinence, afin d’amener le lecteur à réfléchir sur le monde qui l’entoure... et sur lui-même. Côté illustrations, l’artiste déroule des traits ronds, démonstratifs et sans trop de détails, qui ne sont pas sans rappeler Claire Bretécher. Les dessins sont efficaces sans être trop expansifs. En définitive, Humaine, Trop Humaine est un recueil intéressant qui permet de s’instruire sous l’angle de l’humour. Catherine Meurisse démontre par là-même qu’il est possible de mettre sur pied une œuvre très intelligente avec un ton décalé qui fait mouche. Bravo !
