L'histoire :
Le 8 mars 1953, la mort du camarade Staline est officiellement annoncée au peuple soviétique. Officiellement, on incite le plus grande nombre à venir saluer en masse la dépouille de ce grand leader, lors de funérailles nationales fastueuses. Mais dans les arcanes du pouvoir, les ambitions personnelles se télescopent violemment. Notamment, Lavrenti Beria, pour lequel Staline entretenait dernièrement une haine à peine larvée, manipule son monde par les biais les plus abjects. Il relâche notamment l’épouse de Molotov, qui passait pour morte après avoir été séquestrée de longs mois, afin de mieux le contrôler. La répartition des portefeuilles ministériels et des responsabilités est établie à couteaux tirés, lors d’une réunion ultra-restreinte du Politburo. Chacun se méfie des complots, des alliances et des trahisons des autres. Beria est nommé premier Vice-président et ministre de l’intérieur ; Malenkov est désigné Président du conseil des ministres. Les avis se divisent toutefois quant au poste de Secrétaire Général que veut tenir Nikita Khrouchtchev. Un vote à main levé tranchera en sa défaveur… il héritera momentanément de l’organisation des funérailles ! Le maréchal Joukov, chef des armées, demande quant à lui carrément la tête du fils de Staline, un officier dépravé…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Suite et fin d’un diptyque historique à peine romancé, pointant du doigt l’ambiance politique kafkaïenne et despotique terrifiante qui régna lors de la succession de Staline (1953). Au scénario, Fabien Nury brosse notamment un portrait corrosif et sans concession du sulfureux Lavrenti Beria (le créateur du KGB), personnalité trouble et puissante du régime soviétique de l’époque – et dont les mœurs sexuelles dépravées n’ont jamais été démenties, même si le présent ouvrage n’insiste que peu sur ce point. Amateur de complots et de manipulations, il y gagnera une fin de vie tragique et shakespearienne. Amené ainsi, le sujet d’un système totalitaire au sommet de la paranoïa peut paraître pointu et austère… C’est sans compter sur la subtilité et le talent séquentiel des deux auteurs pour mettre en scène et donner du souffle à ces contingences politiques quasi authentiques. Le dessin semi-réaliste de Thierry Robin joue d’encrages appuyés et de traits anguleux pour mettre en place un clair-obscur de bon ton. L’artiste caricature ainsi finement tous ces guignols sanguinaires, sans se départir d’un décorum soviétique, de cadrages soignés et d’un découpage abouti. De fait, ici tout est sinistre et déliquescent et pourtant, la tonalité cynique émerge. Au final, il est surtout pathétique de constater que la soif de pouvoir peut amener l’Homme à de bien ridicules et cruelles cabales…