L'histoire :
Devant les portes de la cité de Carthage, Scipion Emilien observe la colossale rangée de crucifiés qui borde le bas des immenses remparts. Renégats, déserteurs, sénateurs opposés à la politique d’Hasdrubal, accrochés depuis des jours sur ces peu confortables morceaux de bois, pourraient, une fois libérés, servir d’informateurs aux romains. Faudrait-il qu’ils soient encore vivants, une fois cette première muraille prise par l’armée des assaillants. Chose faite, justement, ce sont nos deux amis, Horodamus le Gaulois et Berkan le Numide (ex-mercenaires) qui voient leurs espérances de survivre reconduites. Pendant ce temps, Antigone le prêtre-philosophe et Melquart, le fils de bonne famille, avec lesquels ils avaient nourri le projet de rafler une belle quantité d’or, sont décidés à prendre la tangente. Mais pour Tara, la dernière associée de nos Voleurs de Carthage, il n’en est pas question : elle veut l’or de Tanit ! Pas question de rester une misérable et mendier pour se nourrir –ou pire encore – le restant de sa vie. Elle est convaincue qu’ils réussiront à voler ces cupides Carthaginois. Et pourtant, elle ne sait pas encore qu’Horodamus et Berkan ont survécu. Ni d’ailleurs qu’ils sont tout aussi motivés qu’elle et qu’après un court séjour parmi les mercenaires de l’armée romaine, ils sont déjà sur la route du trésor. Peu importe la marche inéluctable du pillage à venir et de la destruction totale de la ville programmée. Elle pourrait même servir leur insensé projet...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Deux crucifiés, une fausse vestale, un drôle de petit philosophe, un fils de bonne famille carthaginois… Pour clore leur diptyque, Apollo et Hervé Tanquerelle mettent à nouveau en scène ce savoureux casting qui avait immédiatement marqué des points dans la première partie. Avec d’ailleurs la même intention : se gaver de l’or de Carthage si précieusement gardé. Seule belle nuance : un contexte historique chaotique scellant définitivement le sort de la puissante cité punique, au rythme de l’ultime percée de l’armée de Scipion Emilien dans la violence, le massacre, le pillage, la chaleur des flammes et l’odeur du sang. Le chef de l’armée romaine veut « baiser » cette ville qui se refuse à lui. Il la forcera de toute sa bestialité. Les autres, en face, auront beau essayer de titiller le Baal-Moloch à renforts de rites qui n’ont rien à envier à la cruauté des romains. Rien n’y changera. Les dés de l’Histoire sont jetés. Scellé par cette atmosphère tragique à laquelle le scénario n’offre guère de concession, le récit s’entortille habilement autour de ce chaos. Car dans le même mouvement, la course au trésor continue, guidée par l’idée qu’avant de sauver ses fesses, on pourrait bien profiter de la confusion pour rafler le magot. Nos amis y parviendront-ils dans une dernière ruade à la Croquignol and Co ? Les dernières heures de Carthage laisseront-elles un bout de place à un peu d’amour ? Et pourront-ils éviter le dernier grand saut du haut des remparts de Byrsa ? Quoi qu’il arrive, en tout cas, cette ultime plongée antique est redoutable d’efficacité : dynamique, poignante dans la tragédie, définitivement accrochée à ses impeccables protagonistes (avec une palme pour ce couillon de gaulois) et conduite par un jeu de dialogues dosé à l’humour cynique et la modernité. Même sanction pour le dessin (et l’excellentissime colorisation d’Isabelle Merlet) qui, à la vivacité de sa jolie patte moderne, superpose – les doigts dans le tarin – émotion, travail du décorum et lisibilité. Avec un accessit pour la précision « réaliste » des scènes où assaillants et assiégés s’embrochent copieusement. Bref, captivant, historique, drôle, tragique, touchant et au dessin accrocheur : indispensable !