L'histoire :
Un homme et une femme d'un certain âge se promènent sous leurs parapluies. Puis ils s'assoient sur un banc à l'abri de la pluie pour manger des biscuits. Ils se connaissent depuis trente ans, elle était maire de la ville, lui est un libraire qui va vendre son magasin à un jeune couple sympathique. Visiblement, ils ne sont pas un couple, ni même des amants, mais de toute évidence des amoureux. Quelques heures plus tôt, Anita en parlait à sa fille qui lui coupait les cheveux sur la terrasse ensoleillée de leur belle villa. Elle évoquait cet homme avec qui elle avait rendez-vous ce soir, tout en promettant que cela ne remettrait pas en cause le couple qu'elle formait depuis si longtemps avec Giuseppe. D'ailleurs il n'était pas question de manger tous les délicieux biscuits avec Zeno. Ils les partageraient aussi ensemble en famille. Quelques jours plus tôt, Giuseppe avouait à Anita qu'il savait qu'elle voyait un autre homme, et qu'il espérait juste ne pas la perdre. Et Anita aimait ces moments autour d'un café, délicieux et parfumé, comme seul son mari savait le préparer. Alors ce soir, assis sur leur banc, les deux amoureux veulent se convaincre que leur histoire passionnée mais sage peut leur réserver encore des surprises...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il faut oser débuter sa carrière de scénariste avec un récit purement ante-chronologique, qui plonge chapitre par chapitre de plus en plus loin dans le passé des personnages en essayant de captiver les lecteurs sur les moments clés qu'ils ont vécus. Jordi Lafebre s'émancipe donc de Zidrou, avec qui il a réalisé la plupart de ses albums jusqu'ici, et il aborde cette histoire d'amour d'une manière très originale. Il s'en sort plutôt bien, en rendant Anita attachante à travers les années, et en donnant au libraire Zeno un caractère un peu lunaire : deux parfaits héros de comédie romantique. Son dessin semi-réaliste est vif et dynamique, plein de rondeurs et de déliés avec des personnages aux regards expressifs et aux postures énergiques. Il réussit à faire rajeunir Zeno et Anita en gardant leurs visages crédibles, ce qui démontre une belle capacité graphique. Tout juste insiste-t-il un peu trop sur les lignes censées figurer le mouvement, comme en page 31 où on se demande ce qui se passe autour des personnages sur le quai de la gare avec des traits dans tous les sens. On s'habitue assez vite au temps qui se déroule à l'envers, ne sachant pas où l'auteur va s'arrêter. Lafebre a eu la bonne idée de numéroter ses chapitres en commençant par le vingtième, ce qui nous aide à comprendre son choix narratif et évite qu'on se demande si on n'a pas acheté un livre relié à l'envers. Une jolie histoire un peu brouillonne, un peu comme ses héros qui restent en suspens après des décennies d'amour partagé.
