L'histoire :
Naja est une tueuse froide et efficace, dénuée de sentiments. Elle est numéro trois d'une mystérieuse organisation, ce qui signifie que seulement deux tueurs y sont considérés plus performants qu'elle. Sa dernière mission, commandée et organisée par le numéro zéro, consiste à abattre un homme au sein d'une galerie d'art bobo et branchée, en plein cœur de Paris. Pas d'état d'âme pour Naja, même si les motifs de cet assassinat lui sont totalement inconnus. Il faut dire qu'aussi loin qu'elle se souvienne, Naja a cessé d'éprouver des sentiments, et ne ressent plus aucune douleur. Le travail est rapidement exécuté, et l'organisation impeccable de sa fuite par le numéro zéro la renvoie sans délai en Islande, où elle vit. Dans l'attente de son prochain objectif, elle va se trouver surprise au milieu de son sommeil par un inconnu qui parvient à la ligoter. Il lui annonce qu'il est venu pour la sauver. Que le numéro 1 veut désormais l'éliminer, persuadé qu'elle veut prendre sa place. Naja l'observe et l'écoute, immobile et fascinée. Sans plus d'explication, il abandonne Naja prisonnière des liens qui lui blessent le corps, et quitte la luxueuse villa. La jeune tueuse ressent alors une forme de reconnaissance envers cet inconnu qui a réussi à la ligoter et à la faire souffrir. Ce sentiment quasi amoureux, elle ne croyait plus pouvoir le ressentir. Lorsque des policiers viennent la libérer quelques heures plus tard, elle aura retrouvé des sensations enfouies dans sa jeunesse oubliée. Elle a presque senti son corps souffrir, elle qui recherche tellement à retrouver la douleur qu'elle ne peut plus éprouver. A partir de là, son existence va changer. Elle reprend contact avec un ami d'enfance emprisonné en Colombie, tandis qu'une formidable machine pilotée par le numéro zéro va se mettre en branle. Les tueurs vont se croiser et s'affronter, pour accomplir autour de Naja un dessein mystérieux, mais d'une logique implacable...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jean-David Morvan livre avec ce thriller l'un de ses scénarios les plus réussis, en déployant une mise en scène impeccable de bout en bout. En très très bon artisan, il reprend à son compte la fameuse voix off du Tueur de Matz et Jacamon, et en livre une version approfondie, plus nerveuse, mais toute aussi moderne et cynique. Le lecteur est happé dès les premières pages de ce recueil, fasciné par le politiquement incorrect, mais aussi le trouble parfaitement dosé, de cette série aux allures de manga. Les cinq tomes de la série, ici regroupés en édition intégrale, révèlent une continuité imparable, et se lisent d'une traite sans reprendre son souffle. Les influences multiples (manga, comics et cinéma) du très prolifique scénariste de Sillage donnent ici leur pleine mesure. Scènes d'action ralenties, travelling sur plusieurs cases, les ingrédients sont là qui donnent à cette série sa furieuse modernité, loin des canons de la BD francophone. Partiellement installé à Tokyo et ouvert à toutes les influences, le scénariste nous offre une BD qui fascinera tous les lecteurs, ados et adultes, scotchés dans leur fauteuil par un suspense haletant. Le moyen format de l'intégrale ne pose aucun problème de lecture et rend une certaine justice à cette aventure aux épisodes très serrés, qui se dévorent sans retenue. Le dessinateur Bengal dose d'ailleurs ses effets dans le seul but d'emmener le lecteur, n'hésitant pas à transformer les scènes violentes en successions de hachures à peine lisibles. Son trait fin fait merveille dans ce récit brutal et troublant, et la subtilité qu'il parvient parfois à injecter dans le regard de son héroine est impressionnante. L'intégrale de Naja est une excellente surprise pour ceux qui n'avaient pas suivi la série en grand format et qui, d'ailleurs, pourront se passer des quatre pages supplémentaires d'épilogue, en forme de teaser pour une suite improbable. Quoiqu'avec Morvan, on peut s'attendre à tout...
