L'histoire :
Quelque part dans la banlieue bordelaise… Il fait presque nuit et le contremaitre d’un gros chantier de construction est obligé d’inviter deux de ses conducteurs d’engins, Pacifique et Yvan, à rentrer chez eux. Dans la cabane de chantier, tandis qu’il se change, Pacifique, un grand black coiffé de dreadlocks, essuie sans broncher une nouvelle salve de blagues douteuses de la part de quelques collègues. En particulier, ils le chatouillent en lui parlant de sa dernière incarcération et se demandent s’il a goûté au doux plaisir des douches carcérales…Mais lorsque que l’ex-taulard leur montre son alliance tatouée (qu’il décrit représenter son mariage avec le diable) et leur rappelle qu’il a passé la majorité de sa peine en quartier de haute surveillance, les mauvaises plaisanteries cessent aussitôt. Habillé, en attendant de revenir le lendemain à 4 heures du matin, il rejoint Yvan qu’il a pris l’habitude de véhiculer avec sa grosse berline. Yvan lui propose une virée. Une de celles où ils trouveront à coup sûr de quoi se réchauffer, avec des jolies filles et de quoi se marrer. Paci hésite et laisse Yvan lui raconter son énième rêve : une histoire avec une jeune femme munie de longues griffes. Une histoire que Paci interprète immédiatement pour donner de judicieux conseils à son copain. Si bien, d’ailleurs, qu’il ne fait pas attention et percute un chevreuil de plein fouet. Et tandis qu’il s’approche pour le soigner, son téléphone interrompt sa B-A : son ex patron, dealer notoire, lui propose un gros coup...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Hé, hé… Difficile de résister à cette mise en bouche joliment claquée du nouveau polar de Vincent Perriot prévu en 3 volets. Cette fois seul aux commandes (il partageait l’affiche avec Arnaud Malherbe pour Belleville Story) il capture rapidement son lecteur en le mettant dans les pattes d’un personnage au charisme immédiat : le fameux Pacifique (ou Paci pour les copains). Véritable pendant moderne des teigneux du « milieu » à la Lautner et Audiard, ce grand black a tout pour titiller notre intérêt : calme voire taiseux, « dreads », tatouages initiatiques, lunettes d’intello, bracelet électronique à la cheville, mystérieux comme tout et – du chevreuil ramassé dans un fossé à la rousse callipyge bordée dans son lit – hypnotique comme pas deux. Bref, l’entame repose essentiellement sur lui. Mais de quelle manière ! Il suffira juste de lui manier une histoire sablée à l’énergie, tisonnée au pas de bol et à la testostérone, pour voir les envies de se ranger de ce bordelais, ex champion du « go-fast » (le transport rapide d’une ville à l’autre d’une belle quantité de stupéfiants), gentiment chahutées. Et puis, enfin, de l’agacer d’une palette de seconds couteaux au potentiel énhAUrme (un collègue de chantier toxico, une bande de gamins, des flics, une presque infirmière dont on peut tomber amoureux, un ancien patron et son concurrent au taquet pour lui proposer un coup…) pour le voir tomber dans les filets d’un cliffhanger final particulièrement saisissant. Alors d’accord ! On s’emballe peut-être un peu, ces 78 premières planches laissant surtout le récit et son intrigue se mettre en place juste ce qu’il faut. Mais c’est diablement bien fait. Un peu comme sur grand ou petit écran pour ce qui est des polars modernes couillus et ficelés dont le relief psychologique des personnages (passé, failles, blessures, poisse, conduite borderline…) est le tison permanent. Il y a aussi évidemment cette accroche graphique de veine moderne, aérée, bouffée de mouvements (une mention spéciale à quelques poursuites automobiles…), cadrée impeccablement pour donner définitivement à ce nouveau polar un petit gout de « retourne z’y » du meilleur effet.