L'histoire :
Michel Foucault a installé des caméras dans les toilettes hommes pour écrire une histoire de la sexualité. Jacques Derrida déconstruit la photocopieuse au lieu de la réparer. Et si on se trompe en faisant venir BHL au lieu de DHL, l'entreprise va devoir perdre du temps à écouter le philosophe disserter sans reprendre son souffle. Le cœur de la Cogitop est un petit monde où se confrontent les grands courants de la philosophie, c'est ce que Kevin Platon va constater quand il y débutera son stage. Son tuteur, Jean-Claude Socrate, va le présenter au DRH Lionel Nietzsche, qui vire ses employés en leur disant que « tout ce qui ne les tue pas les rend plus forts ». Lorsqu'il croise Rousseau, c'est pour s'entendre expliquer que Diogène a refusé le réaménagement en open-space et continue de vivre nu, à l'abri d'un simple tonneau en bois. Il va trouver du soutien auprès d'un certain Montaigne qui ne parvient pas à sortir de sa « période d'essais » et découvrir petit à petit tous les rouages de l'existence au sein d'une entreprise, espace clos qui en regroupe tous les enjeux. Pas toujours reluisant, mais bien plus profond qu'on l'imagine...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C'est un objet philosophique non identifié que Jul et Charles Pépin nous proposent avec ce Platon la Gaffe, recueil de scènes en deux ou quatre planches entrecoupées de très profondes mises en perspectives, citant les plus grands noms de la pensée. Chaque gag est ainsi disséqué, expliqué, approfondi, donnant lieu à des leçons de philo raccourcies et condensées, brillantes comme les cours en amphi de Michel Onfray. On a l'impression de tout comprendre, de se voir raconter l'essentiel de plusieurs siècles de réflexion en se distrayant, tout en notant que l'auteur fait valoir à l'occasion son point de vue, sans ménagement. Mais si la perspective est originale, elle n'en est pas moins terriblement appuyée et répétitive. Deux pages de textes qui suivent toujours quelques planches rapidement dessinées, un processus qui est répété à l'identique plus de 20 fois. Il survient alors une petite irritation à l'approche d'un énième gag, lorsque le lecteur se demande comment le scénariste va poser sur tout cela la pensée de Pascal ou la critique de Kant, dans l'inévitable double page de texte à venir. Après quelques séquences, on n'espère plus vraiment une distraction, mais plutôt une série de petites leçons un peu appuyées, avec en toile de fond l'entreprise comme microcosme des enjeux de la société. On bute sur un problème de rythme de lecture, les quelques instants passées sur de trop courts épisodes dessinés étant systématiquement ralentis par ces fameux textes explicatifs. Une drôle d'idée en tout cas, qui plaira essentiellement à ceux qui voient en la BD une technique de vulgarisation. Ils se concentreront sur l'exercice de style en tant que tel.
