L'histoire :
En 1907, dans un coin de campagne du Val de Marne, Lucien et Emile Delaroche essaient de faire décoller un « plus léger que l’air » devant un parterre de spectateurs. L’aéroplane quitte le sol sur quelques mètres puis se crashe, faute de commande adéquate pour le redresser dès qu’il s’incline. Emile en sort indemne, se promettant de recommencer. 6 mois plus tard, la jeune Valentine Pitié affronte les rigueurs de l’hiver du Yukon, en compagnie de ses parents, prospecteurs d’or. Les paysages sont splendides, mais sa mère Henriette juge cette entreprise complète folle. Après avoir enfin rejoint leur concession, abandonnée depuis quelques mois, le père Charles tente de forcer la porte du cabanon, coincée. Ce faisant, il fait tomber sa pipe sur un baril de poudre et l’explosion le tue et blesse mortellement Henriette. Avant de mourir, celle-ci fait promettre à Valentine, de ne pas vendre son héritage : une propriété située à Créteil, en France. Esseulée, Valentine tente de rejoindre la civilisation à travers le blizzard et des territoires glacés et désertiques. Epuisée, frigorifiée, elle finit par se réfugier dans une grotte servant de sépulture aux Inuits. C’est là que la trouve Yakupi, un chasseur de phoques qui a été intrigué par les cadavres de chevaux. Il la soigne et lui redonne des forces dans son igloo, s’interrogeant désormais sur sa vie : il avait déjà une femme à s’occuper, cela lui en fait donc deux…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
André Benn, le dessinateur de MicMac Adam, revient aujourd’hui à un projet en solo, le premier volet d’un surprenant diptyque. Il s’agit du périple initiatique, à travers le grand nord glacé, d’une jeune femme courageuse qui passe l’intégralité de ce premier tome au sein d’une tribu inuit. Elle y découvre (et accepte facilement) des mœurs très libres, et notamment une nouvelle façon de « faire rire » les hommes… Elle se confronte également à la brutalité des rivalités masculines : quand homme vouloir femme du voisin, homme tuer voisin. Ce faisant, Benn livre un joli portrait de femme déracinée de ses racines, et fait un joli pied de nez aux consensus narratifs de la « BD grand public », se montrant parfois assez cru (vous ne jouerez plus au bilboquet pareillement après en avoir découvert ici les conséquences…). La lecture est découpée en 8 chapitres, chacun focalisant diversement sur une étape décisive pour Valentine ou sur une particularité de la culture inuit (chasse à l’ours, « pèche » aux mergules…). Benn jonche aussi son récit de termes Inuits assez précis (existerait-il un Harraps® franco-inuit ?). Graphiquement, l’avantage de tels décors immaculés est de pouvoir jouer à fond la carte de la contemplation (sans trop d’effort) et de faire ressortir au mieux les personnages. En un final stupéfiant, les dernières planches stipulent clairement que la phase inuit est terminée, en route vers un second tome surprise…
