L'histoire :
René rêve de planètes inconnues et de voyages intersidéraux. Homme désœuvré et porté sur l’alcool, il ne peut que constater sa misère et faire lire ses poèmes baignés de science-fiction à son ami d’infortune et de bar, Jean-Pierre. Pourtant, sa vie va basculer et dépasser ses rêves les plus fous. Des êtres étranges, les Shingouzs, rendent visite à René et l’enlèvent dans ce qui semble être un vaisseau spatial ! Un homme, Albert, lui révèle une histoire incroyable. René était en fait l’agent spatio-temporel Valérian, mais ce dernier eut un jour à affronter le monstre Jespériank, de la tribu des Jakolass. Jespériank, dangereux illuminé qui voue un culte au grand Ragondin Astral, possédait un pouvoir terrifiant : la machine Télé-internement qui peut transférer l’âme de corps en corps. Ainsi, Valérian s’est retrouvé télé-interné sur Terre, dans le corps d’un chétif humain. Albert explique donc que Valérian/René doit désormais partir à la recherche de son ancien ennemi, Jespériank, pour le forcer à réutiliser sa machine et inverser le processus, afin que René retrouve sa véritable identité. Or, Jespériank est enfermé dans une planète-prison dont on ne s’évade pas : la Walawalla. Laureline est folle de joie de revoir « Valérian », mais elle ne reconnaît pas son compagnon. Il faut dire que René est assez particulier : grossier et rustre, il est fortement dépendant à l’alcool. L’équipage se dirige vers WalaWalla pour une nouvelle aventure improbable…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Plutôt que de proposer une suite ou une parodie, Pierre Christin et Jean-Claude Mézières, les auteurs de Valérian, ont accepté de confier le flambeau de leur mythique série à d’autres auteurs de renom. L’objectif : apporter un regard neuf et original sur la saga SF la plus connue du journal Pilote. Le choix de Manu Larcenet est quelque peu étonnant au départ, car l’auteur de Blast est tout de même fortement codifié dans le registre de la BD sociale. Pourtant, c’est un choix payant : habitué à créer des histoires délirantes et doté d’un solide sens de l’humour, Larcenet est l’héritier naturel de l’univers de Christin et de Mézières. Dans cet opus, l’auteur nous offre un cocktail d’action, d’imagination, de rêves et de situations cocasses… Un cocktail que n’aurait pas dénigré cet incurable alcoolique de René ! Tout est parfaitement pesé et soupesé pour un résultat parfait. Le scénario de départ est à la fois diablement malin et trépidant : un alcoolique solitaire et rêveur apprend qu’il était en fait Valérian ! L’occasion d’expliquer le long silence et l’absence de Valérian depuis de nombreuses années. L’occasion aussi de changer d’univers : on passe du monde de Larcenet et de ses petites gens modestes et désespérées, à celui de Christin et de ses aventures folles. En rendant un magnifique hommage à la grande série intergalactique du 9ème art, Larcenet reprend avec talent le mécanisme de la saga matrice : tout repose sur un enchaînement savant de péripéties haletantes et stimulantes, qui font que le lecteur ne décroche jamais. On est également servi en surprises et en rebondissements de tous types : l’Aventure avec un grand A, comme la bande dessinée savait en offrir dans son âge d’or. L’ouverture dans l’imaginaire est proprement sidérante et Larcenet joue à l’excès des mots et des expansions du nom : adjectifs mystiques, compléments du nom improbables, noms farfelus… L’évasion SF marche à plein régime, avec en prime des reprises amusantes du monde réel (le Ragondin existe finalement… dans la planète des Jakolass !). Sans compter le trait précis de l’auteur, subliment valorisé par des couleurs délicates et douces. Bref, cette « reprise » est à la fois un vibrant hommage à de grands auteurs, mais aussi une sublime « suite », pleine d’intelligence et d’humour. Un exercice de style saisissant et unique : Larcenet parvient à fondre le « style Valérian » dans son propre style, à l’image de cette double identité de René, à la fois personnage de l’univers Larcenet et de celui de Christin. Du grand art !