L'histoire :
Royaume de Castelmaure, en des temps anciens et sombres. Le Roi Éric était un bon roi, aimé de ses sujets, qui a apaisé les provinces sous sa gouverne, renforcé la paix avec les royaumes voisins et fait construire des écoles et des hôpitaux. Or le monarque a disparu depuis 20 ans et son château inhabité se trouve depuis lors entouré d’une mystérieuse tempête. Après avoir recherché le roi Éric pendant 10 ans, Zéphyrin Loreaux est maintenant devenu mythographe itinérant. Il recueille et retranscrit ainsi les contes oraux des anciens. Au fil de ses rencontres, Zéphyrin entend parler de plusieurs personnages intrigants, comme la sorcière ou le chasseur errant qui auraient connu le monarque disparu. Alors qu’il rencontre un vieil ermite sur le point de se suicider, le mythographe décide de lui sauver la vie et découvre avec stupeur que ce dernier n’est autre que le roi Éric ! Le souverain va alors lui raconter son histoire et lui dévoiler un conte bien plus étrange que ceux que Zéphyrin a déjà entendus...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
S’il est bien un genre qui a perdu pas mal de sa superbe au fil du temps, c’est bien celui du conte. Or, avec Castelmaure, Lewis Trondheim le remet au goût du jour, via un récit bien pensé sur une mystérieuse malédiction au travers de laquelle s’entrecroisent des destins tous liés les uns aux autres par une étrange magie. Pour ce faire, l’auteur dévoile de nombreuses trames scénaristiques qui se déroulent au présent ou au passé. Puis il les entrechoque, souvent au détour des rencontres de Zéphyrin avec d’autres personnes. À ce titre, Trondheim réussit sans peine à se sortir du carcan du simple conte médiéval en convoquant dans son récit des thèmes fantastiques, policiers ou bien ésotériques. De même, l’auteur met en place une galerie de personnages qui n’est pas sans rappeler le film Freaks de Tod Browning, en 1932, afin d’insuffler à son scénario une ambiance sombre, voire même horrifique. Or loin de sombrer dans un maelstrom hétérogène sans queue ni tête, Trondheim réussit le tour de force de mettre sur pied une histoire attractive et fort cohérente, dès lors que toutes les pièces du puzzle se mettent en place. Du côté des dessins, le trait d’Alfred est plutôt dynamique et insuffle parfois un esprit faussement enfantin dans un récit qui ne l’est pas vraiment. Et c’est cette ambivalence entre le scénario et les illustrations plutôt simples qui donnent énormément de relief à l’ensemble. Qui plus est, les couleurs tantôt crues, tantôt chatoyantes, travaillées à quatre mains par Alfred et Lou, amènent au graphisme une sorte de patine à l’ancienne qui colle bien à l’univers du conte d’antan. Au final, Castelmaure est une bande-dessinée bien ficelée qui dévoile un récit très intéressant sous des oripeaux fantastiques médiévaux où se mêlent de nombreux personnages véritablement singuliers. Mine de rien, Trondheim et Alfred ont su remettre au goût du jour l’univers des contes via un récit sans faille, à fois épique et poétique.