L'histoire :
Moïse brandit vers le haut, devant son visage, une tablette d’argile entre ses mains, non sans crainte. En effet, il attend que Dieu, d’un éclair divin, vienne graver dessus un énième commandement. Moïse redoute que l’éclair de Dieu soit un peu trop puissant. S’il loupe son coup, c’est quand même lui qui va morfler et se prendre l’éclair. Il pourrait très bien le graver lui-même, son commandement, avec un burin et ses petits doigts. Mais Dieu insiste : il est Dieu, quand même, donc il faut que ce soit un minimum spectaculaire. Et puis évidemment, il va gérer. Or évidemment, l’éclair rate la tablette et frappe le sol à quelques centimètres des pieds de Moïse. Raaah mais il avait qu’à pas bouger, aussi ! Dieu exige que Moïse se remette en place afin qu’il foudroie correctement la tablette. Mais cette fois Moïse ne se laisse pas pigeonner. Il a une idée bien meilleure : il confie la tablette à son fils, un bébé en couche-culotte et reste à une bonne dizaine de mètres, tandis que Dieu vise de nouveau pour balancer son éclair…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans Dialogues T1, Karibou exposait tout son talent pour la répartie contemporaine bien balancée, le sens du rythme dans les dialogues, la truculence dans les expressions contemporaines, l’imagination pour les acculturations et la chute souvent absurde. Dans Dialogues T2, hé bien… c’est tout pareil, d’où le titre (Bis repetita), mais avec 120 nouvelles planches de gags. Techniquement, la planche gaguesque en elle-même repose sur un gaufrier strictement toujours réitéré de 6 cases, en noir et blanc (et tantôt un petit aplat de gris ; de doré ; ou de rouge). Le dessin en lui-même n’est pas folichon : les personnages souvent cadrés en plans américains sont représentés de manière réaliste mais sommaire, à l’aide d’un trait fin. Ils sont dénués d’expressions faciales, de postures complexes et très souvent de décors. Le procédé peut paraître facile, mais il renforce surtout le non-sens des situations. La cible privilégiée de Karibou : les mythes fondateurs de notre civilisation – la religion catholique, la mythologie grecque, les célèbres références historiques. Il est tellement jouissif de jouer les iconoclastes, au sens premier, c’est-à-dire de tourner en dérision ce qui est sacré, de renvoyer à ses bases pragmatiques et cartésiennes ce qui relève soi-disant d’allégories divines. Comme dans une symphonie de Mozart, dont on dit que le silence qui suit est aussi de lui, ici le non-dit des Dialogues de Karibou fait souvent partie du ressort comique. L’auteur s’amuse en effet souvent à ponctuer d’une virgule, à plomber une case vierge de toute réplique, afin d’accentuer l’effet décalé de la chute qui suit. A lire à petites doses, sous peine de lasser par l’emploi des mêmes mécaniques humoristiques.
