L'histoire :
Le 7 mai 1930, des dizaines de femmes d'un certain âge, issues de différentes classes sociales, sont rassemblées sur un quai du port de New York. Elles s'apprêtent à participer à une croisière commémorative d'un mois organisée par l'US Army, qui les emmènera sur les tombes de leurs fils décédés sur les champs de batailles français, durant la première guerre mondiale. Après un discours solennel du maire, le paquebot largue les amarres. Durant la première semaine dédiée à la traversée de l'Atlantique, la bourrue Mrs Hartfield va croiser la richissime Mrs Vanderbilt ; et Jane Smith, qui accompagne sa maman très éprouvée par ce voyage mémoriel, va sympathiser avec la veuve de guerre Clara Throckmorton. Jane et Clara ont le même âge. Clara, qui ne quitte jamais son appareil photo, raconte à Jane sa relation complice avec feu son grand frère Alan, avant qu'il ne parte s'installer en France. Leurs jours passent. Entre les dîners en compagnie du capitaine et les visites organisées des salles des machines, les deux jeunes femmes observent leur petit monde à bord. Elles compatissent notamment avec Anna Platt, une mère visiblement perturbée. En effet, Mrs Platt a perdu son fils Tommy un mois après la mort de son mari, écrasé par un camionneur en sortant de chez eux. Après une cérémonie religieuse, un officier se met à leur disposition pour répondre à toutes les questions concernant la suite de leur voyage, et notamment désamorcer les inquiétudes sur les tombes et les cimetières...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La quatrième de couverture résume très exactement le sujet de ce one-shot de la collection Mirage (de Delcourt). Ici, Catherine Grive et Fred Bernard relatent une anecdote historique et mémorielle authentique : les pèlerinages organisés par le congrès américain dans les années 30, en faveur des mères et des femmes des soldats morts en Europe au cours de la première guerre mondiale. Plus de 116 000 ont en effet perdu la vie sur le vieux continent, et seuls les corps de la moitié d'entre eux ont été rapatriés aux USA. Étant donné la solennité du sujet, le scénario ne cherche aucun effet de manche, se bornant à retracer de manière factuelle ce voyage, étape après étape, essentiellement reconstruit à partir d'articles de journaux, de témoignages et d'un livre, The Gold Star Mother Pilgrimages of the 1930s (de John W.Graham). Découpée en chapitres, la narration lente et méthodique se véhicule à travers le personnage principal d'Anna Smith, qui accompagne sa mère sur la tombe de son frère Alan. On suit ses rencontres, son approche des différentes étapes du voyage, son regard sur d'autres mères éprouvées, sa bienveillance envers sa propre maman... Le résultat est instructif, à défaut d'être pleinement passionnant. La technique de dessin de Bernard – un trait de dessin simple, stylisé, rehaussé d'une colorisation aux crayons de couleurs – est volontairement limitée dans sa finition (« moderne », diront certains...). Ce parti-pris graphique n'empêche nullement une composition séquentielle et des choix de cadrages impeccables.