L'histoire :
Ravi par le succès de son ouvrage sur le Capitaine Kidd, Daniel Defoe s’apprête à remettre le couvert pour évoquer le fabuleux destin de Barbe Noire, un autre pirate légendaire. Battant le pavé humide de Londres, il est convaincu de trouver dans les tavernes des langues habiles à se délier, contre quelques pichets, pour lui fournir matière à son projet. Cependant, les anecdotes récoltées ont plus à voir avec du grand n’importe quoi que la réalité : l’homme surgirait sur le pont des bateaux à la faveur d’un éclair, il aurait les yeux rouges, des boyaux de fer, des tresses de 3 mètres et serait capable de respirer sous l’eau… Déprimé par ce maigre butin, notre écrivain rentre chez lui peu confiant. Néanmoins, le lendemain matin, la lettre d’un admirateur le gonfle d’optimisme comme jamais : son correspondant lui propose, comme par un heureux hasard, de lui parler du fameux capitaine Teach, plus connu sous le nom de « Barbe Noire »… Fabuleux trésor, violence, abordages sanguinaires, défilent rapidement sous les yeux de l’écrivain. Mais c’est surtout l’affrontement final du flibustier contre le lieutenant Maynard qui capte son intérêt. Un duel qui débute alors que Teach et ses compères ont pris en otage le fils du gouverneur de Virginie...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après le Capitaine Kidd et avant Rackam le Rouge, c’est Edward Teach alias Barbe Noire, une des plus célèbres figures de la piraterie, qui laisse un bout de son Histoire s’imprimer sur les planches d’un album de bandes dessinées. Reprenant le même canevas que lors de la précédente immersion, Frédéric Brrémaud utilise Daniel Defoe (auteur d’une véritable bible de la piraterie) pour guider une aventure aux accents de docu-fiction. Très intelligemment, le scénario se joue habilement de la légende et de la réalité, mêlant l’une et l’autre avec jubilation, sans pour autant laisser le doute s’installer. C’est donc un succulent Barbe Noire, charismatique à souhait et s’arrachant notre sympathie malgré un passif chargé, qui nous est présenté. Aucune pitié, aucun scrupule, terriblement sanguinaire, animé d’une folie meurtrière et possédé par le besoin d’augmenter indéfiniment son magot (en se débarrassant de tous ceux avec qui il doit le partager)… Voilà qui transpire à longueur de planches pour notre plus grand bonheur de voir balayer demi-mesure… Voilà qui remet définitivement en place les idées de celles qui voyaient sous l’habit du pirate un énième prince charmant (oh mon beau Johnny !). Les amateurs se régaleront, puis regretteront à nouveau qu’un pan infime de la vie du flibustier soit relaté. Car ici, le jeu du zoom nous transporte vers ses dernières frasques, ses derniers moments d’aventure, en centrant le propos sur sa prise en chasse et sa fin. A le voir ainsi s’animer sous l’excellence du coup de crayon (et colorisation) de Lematou, on signerait allégrement pour quelques tomes de ces scènes splendides d’abordages et ces plans serrés sur le visage de ce diable de boucanier.