L'histoire :
Battue par les interminables trombes d’eau qui la caractérise, la côte ouest d’Écosse accueille le petit William Kidd en l’an 1645. Irrémédiablement attiré par la mer, on le retrouve quelques années plus tard, écumant les Caraïbes aux commandes d’un navire commercial. Il évite alors les bateaux pirates qui quadrillent la zone en se débrouillant pour attirer ses concurrents français ou espagnols dans leurs filets. Cette technique lui assure d’ailleurs une certaine renommée et bientôt c’est la couronne d’Angleterre elle-même qui réclame ses services. Ainsi, il participe avec succès à l’attaque d’une plantation française et met, dés lors, le doigt dans une activité hautement lucrative. Il veut d’ailleurs aussitôt remettre le couvert et s’en prendre à un galion français qui navigue sous les mêmes latitudes. Cependant, son équipage n’est pas du même avis et sous la houlette de Culliford, son second, Kidd est désavoué et proprement jeté à l’eau. C’est à New York, que le malheureux capitaine se refait une santé quelques temps plus tard : il rend service au gouverneur en le débarrassant de quelques colons récalcitrants, et épouse dans la foulée une jeune veuve (est-il d’ailleurs vraiment étranger à ce veuvage ?). Mais l’appel du large est plus fort que la vie de famille. Aussi lorsqu’il rencontre un soir Robert Livingstone, un proche de la cour du Roi William III, il accepte de se mettre au service des sa majesté en devenant corsaire. Il peut désormais écumer les mers et détrousser sans rougir les ennemis de la couronne. Un temps, seulement…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Mis en scène, dans les premières planches, sous les traits d’un Captain Johnson taquinant le marin dans les tavernes humides de Londres à la recherche d’infos, Daniel Defoe (ni plus ni moins le papa de Robinson Crusoé) publia en 1726 un ouvrage devenu la bible des historiens de la piraterie. Des 38 flibustiers qu’il décrit, les éditions Delcourt confient à Frédéric Brrémaud et Lematou le destin d’un des plus fameux, à savoir le capitaine Kidd (suivront ensuite Barbe-Noire, Rackam le Rouge et on le souhaite, après, toute une tripotée !). Le moins que l’on puisse dire c’est que les 2 canailles s’en sortent plutôt bien pour décrire en 46 (trop courtes) planches, le surprenant parcours d’un marin emporté par son double destin de marin et de malchanceux. L’attrait scénaristique de ce récit est de découvrir un univers savoureux et propice aux judicieux décalages. La narration ou le trait se plaisent alors à bousculer le personnage central et à opposer à l’image sanguinaire (mais réelle) qui lui colle à la peau, celle d’un homme subissant sa destinée. Le tout permettant d’allier aventure, humour et ingrédients « piratesques » pur jus. On regrettera juste que l’album passe trop vite en revue les moments clefs de la vie du forban en les remplaçants par une voix off bavarde qui permet de grands sauts dans l’espace-temps. Graphiquement, l’ensemble est très prometteur, le dessin laissant imaginer un incroyable potentiel en devenir, la colorisation en parfaite adéquation. On a le sentiment que Lematou ne force pas son talent. Son trait rappelle d’ailleurs celui de Mathieu Bonhomme (Kidd ressemble, en moins beau gosse, à son Marquis d’Anaon), ce qui a tout du compliment. Nous suivrons donc ce félin avec attention…
