L'histoire :
Étant donné que sa femme Pearl travaille de nuit, Merlin doit s'occuper chaque soir de son bébé Samo. Or Samo pleure sans cesse, comme s'il avait un truc qui lui faisait mal... mais quoi ? Merlin se pose beaucoup de questions et stresse un max. Dans les rares moment où il trouve le sommeil, il cauchemarde. Bref, il est au bout du rouleau. Il lui en vient parfois des envies d'infanticide. Sur les conseils de son collègue de bureau, il se décide un soir à appeler « l'endormeur », une sorte de mage super balèze pour endormir les enfants. Le mystérieux Oziris débarque donc, silencieux et austère sous sa chasuble, se penche sur le berceau et... Samo s'endort illico, profondément, paisiblement. Merlin passe alors une fabuleuse nuit. Le hic, c'est qu'au petit matin, l'endormeur ne revient pas comme il était prévu pour réveiller Samo, qui demeure donc endormi, inerte. Vu qu'Oziris ne répond pas au téléphone, Merlin file à son domicile, paniqué. Il toque à la porte, pas de réponse. Il pénètre donc et le trouve assassiné dans sa cave, d'un coup de poignard ! Derrière son corps, se trouve un étonnant miroir... à travers lequel passe Merlin ! De l'autre côté, il se retrouve dans un château, dans les appartements privés d'un monarque. Il assiste alors à un curieux rituel de résurrection de la reine, pour lequel officie un autre endormeur, certainement le meurtrier du précédent. Merlin s'apprête à lui sauter à la gorge, le tenant pour responsable du sommeil éternel de son fils... lorsqu'il est pris en otage par une bande de gamins cambrioleurs, qui l'embarquent de force à bord de leur dragon volant...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Transfuge des Requins Marteaux, Morgan Navarro est pour la première fois publié chez Delcourt, logiquement accueilli par la collection Shampooing. Le dessin est en effet rapide, en noir et blanc uniquement, plus poussé sur certaines cases « d'ambiance », surtout très lisible... et c'est bien là l'essentiel. Navarro tisse ici un conte moderne, pétri d'inventivité et de surprises, qui dépasse largement le cadre du simple divertissement. A travers la mésaventure surréaliste et onirique vécue par le héros Merlin – rien que le prénom est lourd de sens – Navarro malmène en effet la thématique de la paternité dans tous les sens, en 192 pages petit format. La question « que faut-il pour être un bon père ? », source d'angoisse, semble être au cœur des débats. Elle se pose à Merlin dans notre monde contemporain, dès qu'il s'agit d'endormir son bébé en demeurant patient, malgré ses incessants et insupportables pleurs. Elle se poursuit dans un étonnant monde parallèle médiéval fantastique, dans lequel Merlin se retrouve coincé. Car dans ce contexte, il doit assumer l'autorité parentale pour une fratrie de chenapans cambrioleurs en manque de repères. Ce faisant, Navarro établit clairement que pour s'épanouir, les enfants ont besoin tout à la fois d'autorité et d'amour. Un B-A-ba finalement peu évident à mettre en pratique chez certains et... qui n'explique certes pas pourquoi le bébé pleure non-stop. Le récit n'est jamais lourd sur le plan de la psychologie parentale et se renouvelle constamment dans ses rebondissements imprévisibles, ce qui est très agréable. L'intrigue est en effet ponctuée de dragons volants invisibles, de princesses nymphomanes qui jouent avec des zombies, de rave-parties sous ecstasy et de rituels ésotériques, en parvenant à conserver toute sa cohérence. Ces aspects imprévisibles teintent aussi cette première partie de diptyque d'une légère teinte humoristique bienvenue.