L'histoire :
En 1848, dans le port de Londres, une caisse éventrée sur le quai ne perturbe pas plus que ça les dockers qui se préparent à la mettre à bord d'un bateau. Ces centaines de feuilles de papier semblent pourtant avoir une importance cruciale pour l'inconnu en chapeau et manteau qui s'approche des deux hommes. L'altercation qui s'ensuit voit les deux dockers humiliés par celui qu'ils prenaient pour un vieil homme, mais qui n'est autre que le capitaine Jean Laffite. Moins connu à Londres que de l'autre côté de l'océan, où sa réputation de corsaire a inspiré le respect et la terreur. Au large de la Jamaïque, ou en Louisiane lors de la vente du territoire une quarantaine d'années plus tôt, le capitaine a construit sa fortune. En arraisonnant des cargaisons ou en combattant les anglais qui débarquaient sur le territoire américain, Laffite a toujours été un combattant incontrôlable. Mais dans l'Europe de 1848, alors que la République vient d'être proclamée en France, un homme cherche à se réfugier à Londres, victime d'un mandat d'arrestation émis par le roi de Prusse. Ce jeune philosophe, qui a écrit un ouvrage dont la teneur proprement révolutionnaire pourrait changer le cours de l'Histoire, se nomme Karl Marx. Et c'est Laffite lui-même qui a financé l'édition de son Manifeste...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jean-Pierre Pécau aborde le Manifeste du Parti Communiste sous un angle très inattendu, puisqu'il creuse une hypothèse historique jamais confirmée sur les fonds qui ont servi à en imprimer les premiers exemplaires. L'authenticité de la biographie supposée de Jean Laffite est questionnée par les historiens, mais le scénariste décide de donner corps à cette part supposée de sa vie. C'est avant tout une sorte de résumé de 40 ans d'aventures qui nous est proposé ici, à travers une série d'aller-retours entre le passé du personnage et sa rencontre avec Karl Marx. Chaque époque s'appuie sur un fait historique avéré, dans lequel Laffite se trouve jouer un rôle. Comme pour la plupart des autres albums de cette série très intéressante, ce n'est pas le suspense absolu ni le culot scénaristique qui sont recherchés ici, mais un regard d'historien décliné en bande-dessinée. Pécau parle en passionné, sans chercher à insister sur les artifices d'une approche vendeuse. Le dessin de grande qualité de Benoit Dellac, jeune dessinateur doué et productif, apporte la dose de spectacle qui soutient la vie trépidante du flibustier. Le voyage est inattendu et construit de manière parfaitement séquencée, la tranche d'Histoire supposée étant une nouvelle fois enrichissante et documentée.