L'histoire :
En l’an 1200, emporté par sa ferveur religieuse et par le modèle paternel, le jeune Philippe de Crécy s’est engagé dans la 4ème Croisade, qui doit débuter en Egypte. Il s’est payé la tenue et le voyage, puis s’est joint aux troupes qui stationnent sur l’île du Lido à côté de Venise, en attente du financement de leurs navires de guerre. Malheureusement, faute de moyens, les croisés sont contraints à jouer les mercenaires pour le compte du Doge Dandolo, fin tacticien malgré sa cécité totale. Les croisés se retrouvent ainsi à faire le siège et la conquête de Zara (actuelle Zadar en Croatie), malgré la promesse d’excommunication du Pape Innocent III. En une quinzaine de jours, Zara est acquise aux vénitiens et aux croisés… et l’excommunication est logiquement prononcée ! Un peu perdus dans leurs ambitions, les croisés s’apprêtent à passer l’hiver dans la cité en ruine, attendant d’être un peu mieux préparés et organisés pour poursuivre vers Constantinople. Leurs chefs se perdent surtout en palabres pour déterminer le partage des efforts, la tactique à mettre en place et anticiper sur le gain des futurs territoires acquis. Il s’agit surtout de proposer au pape une version qui ne fasse pas trop injure à la morale chrétienne et qui autorise tant de massacres. Une troisième puissance entre alors en jeu, comme contre-pouvoir à cette coalition déjà bancale : les byzantins…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Au prétexte d’étendre la foi chrétienne, les puissances occidentales organisèrent jadis de gigantesques et terribles croisades. La quatrième d’entre elles permit la prise de Constantinople en 1204. Et c’est à cet épisode humainement peu glorieux que nous convie le scénariste Marko Stojanovic, à travers cette trilogie historique en devenir. Portée par le destin d’un jeune héros croisé, Philippe de Crécy, la transcription historique est prégnante, notamment grâce à la justesse du dessin encré réaliste et au niveau de détail de Drazen Kovacevic (storyboard) et de Dan Ianos Catalin (dessin). Qu’il s’agisse de palabres ou de combats, de paysages urbains ou de vues panoramiques, le duo de dessinateurs ne ménage pas sa peine, notamment concernant les tenues et les monuments. Il eut été impossible de faire plus immersif, précis et dynamique à la fois ! Or en guise de palabres, vous allez être servis… et vous ne pigerez assurément pas toutes les ambitions et frustrations dévorantes des nombreux protagonistes, qui combattent à la fois ensemble et manigancent néanmoins les uns contre les autres. Les alliés d'hier sont assurément les ennemis de demain. Stojanovic y aurait sans doute gagné à éviter les dialogues sibyllins et à écumer les pseudo-tensions superfétatoires. Heureusement, les assauts spectaculaires redonnent régulièrement du rythme. Vénitiens, byzantins, varègues et même les croisés entre eux, s’assènent des coups d’épées et de haches en travers de la gorge, sous des flots d’hémoglobine. Ah, toute cette belle ferveur religieuse ! Or singulièrement, on ne peut s’empêcher de rapprocher les tergiversations et manœuvres militaro-politiques de cette croisade avec les tergiversations et manœuvres militaro-politiques de nos conflits actuels (cf. la reprise de Kaboul par les talibans). L’humanité progresse-t-elle ?