L'histoire :
Au sein du gigantesque convoi intersidéral Sillage, il existe un peuple d’opprimés, les Ftoross. Ces derniers habitent dans les containers poubelles de Sillage, se nourrissant des résidus des plus nantis ou des aides de quelques bénévoles issus d’autres races extraterrestres. N’ayant pas grand-chose à perdre, certains de ces derniers ont alors recours à une forme de terrorisme kamikaze pour faire entendre la voie de leur peuple. L’un d’entre eux prend même Nävis en otage, menaçant de faire un génocide en la tuant, étant donné qu’elle est la dernière humaine connue (relire le tome 5, au titre imprononçable). A la suite de cette mésaventure, Nävis se penche sur une solution politique pour venir en aide aux Ftoross. Profitant de son statut privilégié d’humaine unique, elle tente la surexposition médiatique lorsqu’on lui fait une révélation ignoble. Elle apprend que les femmes Ftoross sont régulièrement enlevées pour être engrossées et subir une ablation qui leur est fatale. La glande récupérée s’avère être, une fois correctement raffinée, une drogue aphrodiso-hallucinogène très prisée dans les milieux festifs de Sillage. Or Nävis est justement adepte de cette fameuse « Praig-Nann’t »…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En marge de la « série mère », ce troisième tome des Chroniques de Sillages est peut-être le plus convaincant de tous, étant donné que pour une fois les récits s’assemblent pour former un tout cohérent. Comme à l’accoutumé, ces 5 historiettes sont réalisées par 5 dessinateurs/coloristes différents. Dans l’ordre : Nicolas Nemiri (au crayonnés toujours si particuliers), Bruno Duhamel (très lisible et vif en couleurs), Pedro Colombo (au graphisme dynamique et débridé), Laval NG (au style plus sombre et plus grave) et enfin Gérald Parel (dans un essai infographique particulièrement impénétrable et peu concluant…). En reliant ces « chroniques » entre elles, comme suite au 5e épisode de la série (sur le terrorisme), JD Morvan et Philippe Buchet accordent certes plus d’intérêt à l’album. Mais la réunion de ces styles graphiques bien différents ne forme toujours pas un ensemble très homogène. De plus, le cœur du sujet (une drogue générée par la grossesse des Ftoross) n’est ni palpitant… ni tout à fait subtil (Praig-Nann’t = pregnant, qui en anglais signifie enceinte…). Enfin, dans une auto-interview en toute fin d’album (bonus de la 1ère édition), le duo à l’origine de la série culte revient sur le sens exact qu’il a souhaité donner aux aventures de Nävis, à travers leurs différents univers. En effet, Sillage est allé bien au-delà de la simple BD récréative, en affrontant de face des thèmes de société on ne peut plus actuels. Il est en effet difficile de développer une telle saga de SF sans aborder les concepts de démocratie, d’humanisme ou de tolérance interculturelles, parfois mal interprétés par les lecteurs. Ces choix narratifs audacieux et sensibles n’ont pas fini de soulever des débats… Ce qui révèle au moins qu’à travers ses univers, Sillage a atteint un degré de maturité rare dans le 9e art.