L'histoire :
En sortant prison où il se satisfaisait sans honte d’un séjour en pension complète aux frais de l’État, Croquignol n’a qu’une seule idée : trouver un troquet pour étancher sa soif et refaire le plein de bonnes idées. La chose n’est pas aisée, mais il finit par retrouver Filochard et Ribouldingue derrière un comptoir. Les 3 compères n’ayant jamais investi dans l’immobilier et la crise aidant, il est urgent de dégourdir leurs méninges pour se trouver un bon chez soi. Pour l’heure, c’est une petite laverie qui servira d’hôtel, juste le temps de se débarrasser du patron et d’organiser une combine pour faire entrer quelques billets. Filochard bricole une pancarte ; Ribouldingue étend quelques couvertures en guise de rideaux ; Croquignole joue de son bagout : le concept du lave-hôtel vient de voir le jour et… approchez gentils pigeons. Trois d’entre eux, joueurs de poker un poil mafieux, ont d’ailleurs une ressemblance appuyée avec notre trio : une belle aubaine lorsque la combine éventée, tous se retrouvent sur une paillasse du commissariat. Croquignol et ses comparses sont effectivement relâchés par erreur. Sortant du poste de police et vêtus des costumes de leurs sosies, ils trouvent, comble de chance, dans la poche d’un veston, la clef d’un hôtel. Et peut-être, pourquoi pas, la clé du paradis…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Reprendre les aventures mythiques de cette triplette de gentils voyous à long poil dans la main les titillait depuis plus de 15 ans : Stéphane Oiry et Trap s’offrent enfin leur version des Pieds Nickelés, pour le plus grand bonheur de leurs aficionados. Nés sous la plume de Louis Forton en 1908, puis vivant leurs plus belles heures de gloires de 1946 à 1981, sous les talents conjugués de Pellos et Montaubert (entre autre pour le scénario), Croquignol et ses compères rongeaient leur frein en s’impatientant que de nouveaux auteurs n’exploitent à leur tour, l’exceptionnel potentiel qu’ils étaient en mesure de leur céder. C’est heureusement désormais chose faite avec la mise en place de leurs nouvelles aventures qui projettent à notre époque, en un respectueux hommage, le célèbre trio. On retrouve ainsi tout ce qui a fait longtemps leur charme et leur succès : la science de la débrouille, le génie du verbe, la langue tirée en permanence à la bienséance ou à la rigidité des institutions, l’art d’appuyer avec leurs grosses paluches sur les injustices, la perpétuelle scoumoune les faisant toujours revenir à la case départ et préservant intact la morale… Le tout au diapason d’un désordre jouissif et de stratagèmes farfelus. Pas si mal logés en reprend sans s’en priver les mécanismes, usant également (nombre de scénarii antérieurs s’en sont souvent inspirés) de l’actualité contemporaine pour construire le récit avec moult savoureux clins d’œil. En jouant ainsi le compromis de la nouveauté et du calque, ces nouvelles aventures souffrent uniquement d’un léger goût d’anachronisme, qui ne se satisfait pas du décalage qu’il a créé : on a parfois le sentiment que nos 3 compères ont chapardé une machine à voyager dans le temps. Reste à définitivement lâcher prise et franchir sans honte le cap de l’appropriation, pour une modernité pleine et entière à l’image du trait simple et vif de Stéphane Oiry.