L'histoire :
Eric Magoni, trader de profession, est en pleine panique. L'écran des transactions quotidiennes effectuées par la SCG, la banque d'affaire pour laquelle il travaille, affiche une perte de plus de 5 milliards. Et c'est bien son nom qui est associé à ce désastre ! Or il ne s'est pas connecté de l'après-midi... Il était en effet bien occupé avec sa maîtresse, Lucille, qui est également sa « n+1 ». Quelqu'un a donc pris son poste, alors qu'il avait omis de se déconnecter. Au téléphone, son collègue Jeremy lui fait comprendre qu'il est dans une merde noire : il vient juste de faire couler la banque. Eric est d'ailleurs immédiatement convoqué au conseil d'administration. Mais plutôt que de s'y rendre, pleinement conscient de la responsabilité qui est sienne, Eric prend la poudre d'escampette, en douce. Ni le coup de fil à la standardiste de l'accueil ne peut l'arrêter, ni les vigiles de l'entrée qui le coursent. Dans le métro, Eric réfléchit : qui a pu lui faire un coup pareil ? Il lui faut fuir au plus vite hors de France. Comment sa compagne, Alice, va t-elle prendre la chose ? Il est alors abordé par un mystérieux grand barbu entouré de pigeons. Celui-ci semble lire en lui. Il lui dit qu'il peut l'aider, que la vie telle qu'il la connait est terminée, qu'il est désormais « infecté », qu'il lui faut jeter son téléphone, devenir « invisible », oublier son identité. Il lui trace un A surmonté d'un trait horizontal sur l'avant-bras. Eric prend peur et s'enfuit...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La série Media Entity est présentée par l’éditeur Delcourt comme une série « transmédia ». Avant d’entrer dans le vif de l’intrigue, décryptons donc. En marge d’un album de BD tous les 4 mois, ce thriller convoque en effet différents supports participatifs et en vogue. Par exemple, l’album peut se lire par épisodes sur le net en version « turbomédia » (oh le joli mot), c’est-à-dire via une navigation case par case (il faut juste aimer cliquer, en commençant par ici). Autre exemple : à l’aide de votre smartphone, scannez le cahier spécial final où se trouve le logo et consultez moult infos en réalité augmentée, c’est-à-dire « par-dessus » les pages ! Mais encore, on nous promet des jeux de pistes, lors du festival Delcourt et ponctuellement dans les grandes villes de France en « dead drops » (bon là, on vous laisse googueuliser l’expression). Sans oublier des nouvelles inédites, un jeu de rôle, une web-série à tourner soi-même… S’il est urgent d’attendre pour voir si l’émulsion numérique va prendre, reconnaissons à ce projet le grand mérite d’inciter à l’utilisation de techniques d’avant-garde. Mais revenons à nos moutons : ça raconte quoi donc, boudiou, MediaEntity ? Dès les premières cases, on est happé par une problématique vertigineuse : le héros est responsable de la perte de 5 milliard… donc il vient de couler sa banque. Dès lors, via une narration très efficace, on bascule dans une atmosphère prégnante de tension et d'angoisse ultime, pris à la gorge dans le complot dont il est la cible. Si d'un côté l'étau de la traque est resserré, une lueur d'espoir existe à travers cet énigmatique groupuscule « d'exfiltrés » de la société, une thématique courante dans le registre de l'anticipation (cf. Matrix, Un bonheur insoutenable, 1984...). La notion d'identité au sein du groupe est au cœur de cette intrigue habilement développée par deux jeunes auteurs qui maîtrisent d’emblée les ficelles de l’art séquentiel : le prénommé Simon (tout court) au scénario et la prénommée Emilie (toute courte aussi), qui livre un dessin moderne, fluide et très dynamique. A suivre en janvier 2014…