L'histoire :
Ryoko Okada, la pop-star pour lolitas, a été prise en photo en train de faire sniffer un rail de coke à une jeune groupie. Depuis que les clichés de cette scène scandaleuse ont été publiés par la presse people, les fans et les journalistes manifestent en nombre sous les fenêtres de son appartement. En privé, assommée par le scandale, elle hurle en larmes son innocence à sa mère et à son agent Rebecca : elle n’a jamais fait cela et accuse un photo-montage. Rebecca lui impose le seul plan d’action viable : assumer, faire front, annoncer une cure de désyntox et rebondir sur l’évènement pour changer de registre et repartir encore plus forte. Ryoko n’a guère le choix… Pendant ce temps, Eric Magoni, le trader le plus recherché de France (5 milliards de perte à son actif), se planque toujours, plus ou moins contre son gré, au sein d’un campement de manouches. Camille, la punkette qui leur sert de chef, lui a expliqué qu’il était victime d’une contamination par MediaEntity. Il n’y a qu’en leur sein qu’il sera protégé et qu’il pourra refaire sa vie. Mais les manouches ont un autre problème à gérer : suivant les indications d’un clochard, un journaliste people est remonté jusqu’à eux et menace de révéler leur organisation parallèle…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Simon et Emilie poursuivent idéalement MediaEntity, dans une lignée revisitée et peaufiné du 1984 de George Orwell, au rythme d’un thriller contemporain à peine saupoudré d’anticipation, sans flingues mais avec une pression psychologique et sociale maximale. Dans ce 3ème volet, nous suivons en parallèle les deux fils narratifs posés par les deux premiers tomes. D’une part, le devenir sans espoir du trader le plus recherché de France, au sein d’une communauté marginale ; d’autre part les conséquences tragiques des frasques cocaïnomanes de la pop-star Ryoko. Habilement, ces deux intrigues trouvent un écho certain dans notre actualité proche : le trader qui coûtait 5 milliards trouve son parallèle chez l’authentique Jérôme Kerviel ; la star en perdition, victime de l’emballement de ses propres scandales, trouve le sien en Nabilla ou Miley Cyrus. Ces célèbres « figures » sont-elles victimes ou coupables ? La virulence de leurs notoriétés – calculée ou pas – leur a assurément fait perdre le contrôle de leurs propres vies. L’air de ne pas y toucher, sous des aspects de thriller pas si improbable que ça, avec le cocktail idéal de tensions et de réflexion, Simon aborde des problématiques bien réelles. L’informatisation de l’administration, les vaniteux principes de précaution, les lois de surveillance et de sécurité, n’aboutissent-ils pas à une perverse privation de nos libertés ? Ajoutez à cela une mise en scène cinématographique particulièrement prenante, un dessin semi-réaliste, expressif et dynamique, ainsi que des bonus faisant appel aux dernières technologies (scannez les annexes avec votre smartphone, vous serez surpris !), et vous obtiendrez une œuvre intelligente et aboutie, qui mérite bien des louanges. Reste à savoir si dans 20 ans, ces questions ne paraitront pas un peu ringardes au regard des futures aliénations civilisationnelles du genre humain…