L'histoire :
En l’an 2134, le remorqueur Moonfleet, un éboueur de l’espace co-pilotée par un ancien officier déchu et une IA, récupère le cadavre d’un cosmonaute russe flottant aux abords de la planète Mars. Il s’agit de Karpov, membre d’équipage d’une mission non-officielle soviétique Soyouz, et pour cause : elle a capoté 150 ans plus tôt, en 1973. Aussitôt qu’un rapport est émis à ce sujet, les IA qui ont pris le pouvoir sur terre, font tout pour éviter que les humains puissent analyser le cadavre. En effet, il est impossible que ce cosmonaute n’ait jamais été repéré sur une route aussi fréquentée : il a donc « réapparu ». Les IA calculent donc que la mission Soyouz a du passer dans une « faille » cosmique, une sorte de raccourci spatio-temporel, encore très théorique. Or, si les humains découvrent le principe de ces failles et les utilisent, cela leur permettrait d’accéder à des coins reculés de l’univers et sans doute de rencontrer des intelligences supérieures, à même de les aider à reprendre le pouvoir ! L’IA Stanley, au sommet du règne digital, est troublé par ces nouvelles… ce qui ne l’empêche pas de s’incarner de temps en temps dans un androïde anthropomorphe. Cela lui permet officiellement d’analyser les réactions humaines, et officieusement, de s’adonner à un curieux hobby : l’assassinat. Pendant ce temps, le remorqueur Moonfleet s’arrime à la station analogique orbitale lunaire. Evidemment, les IA lui ont concocté un comité d’accueil. Mais l’ex commandant Dinky n’est pas né de la dernière pluie…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A mi-parcours de la trilogie prévue, l’aventure de SF s’étoffe progressivement et s’impose toujours aussi jubilatoire. Pour les spécialistes du genre les plus férus, Fred Duval, valeur sûre du scénario made in Delcourt, n’innove certes pas, mais il a le mérite d’orchestrer une synthèse qu’une rare richesse. En effet, on assiste à un véritable best-of des meilleures théories des grands auteurs de SF comme Asimov, K Dick, Huxley, C.Clarke… Constatez par vous-même : on y aborde tour à tour la question des nanotechnologies, des puces mémorielles cérébrales, des exosquelettes, des failles et raccourcis cosmiques, de l’accès aux civilisations extraterrestres, de lois étendues de la robotique, de la suprématie des IA sur l’homme, de leur accès à la conscience et donc de la question de Dieu… Mais le plus extraordinaire, c’est que toutes ces idées se tiennent plutôt pas mal ensemble ! Des petits bémols, toutefois, chagrinent un peu dans ce tome 2, dont le manichéisme de la méchante IA Stanley, devenu soudain un assassin. De même, l’atout de la densité constitue également la principale faiblesse du récit. L’alternance des nombreuses unités d’actions ne s’affranchit pas d’une forme d’éparpillement, qui va toutefois s’amoindrissant, à mesure que les trames se rejoignent. Les amateurs de SF se régalent néanmoins, et ce d’autant plus que Philippe Ogaki (qui sait copier-coller sans que ça se remarque de trop) fait partie des meilleurs graphistes actuels (avec Manchu) pour faire visuellement rêver en la matière. Ses stations orbitales sont dantesques, ses nombreux vaisseaux crédibles, ses exosquelettes de combat rutilants… Deux aspects tempèrent cependant ses mérites : ses personnages sont de plus en plus négligés (le character design n’est pas vraiment sa spécialité) et sa colorisation écrase parfois le tout de teintes dominantes et d’une surabondance d’effet de reflets, de lumières, de surimpressions. Mais pas de quoi gâcher le souffle cosmique d’une belle saga en devenir…