L'histoire :
« Monsieur Martin », officiellement chargé culturel auprès du Quai d’Orsay, mais en réalité agent secret de haut vol au sein de la DGSE française, termine une visite privée auprès d’Ahmed, son contact à Constantine. Construite sur un rocher, cette ville du nord de l’Algérie est dotée d’infrastructures touristiques particulières : des routes tournantes, des ponts suspendus, un téléphérique… Tandis qu’une escorte le reconduit en voiture à l’aéroport, il poursuit une discussion à couteaux tirés avec son hôte. Soudain, ils tombent dans une embuscade d’une rare violence. Un camion bélier percute le pick-up de tête, tandis que des hommes armées mitraillent à tout va et qu’un bazooka finit le travail. Martin a le réflexe de prendre la place du chauffeur, décédé, et de lancer sa berline dans le parapet qui borde une falaise. La voiture s’écrase tout droit dans la rue en contrebas. Mais, au moins, Martin et son hôte se trouvent à distance de leurs ennemis... et ils sortent indemnes du véhicule ! Ils fuient à toutes jambes à travers les ruelles de la ville, poursuivis par leurs assaillants. Tandis qu’ils se réfugient chez un commerçant, le temps que la tempête se calme, les autorités algériennes et françaises sont respectivement alertées de cet attentat et débutent chacun une enquête. Martin n’est pas un petit agent et d’aucun ne savait exactement le but de son séjour en Algérie…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Sous couvert d’un diptyque d’espionnage musclé, façon James Bond, il semble que Fred Duval cherche plus exactement à tirer un bilan des relations ambigües entretenues entre l’Algérie et la France. Autrefois colonie qui a mené une guerre d’indépendance, bouleversée dans les années 90 par une guerre civile avec le Groupe Islamiste Armé (GIA) et le Front Islamique du Salut (FIS), l’Algérie conserve une structure étatique autoritaire et nébuleuse. Pour focaliser sur les rapports troubles persistant avec l’Etat français, Duval met en scène un héros agent secret, quadra beau gosse et sûr de lui, qui se trouve traqué durant tout ce premier tome, sans qu’on sache précisément par qui. Au gré des lieux où il trouve refuge, entre des scènes d’actions et des courses poursuites explosives, le scénariste le fait palabrer avec ses contacts au sujet de ce contexte politique malsain et périlleux. Mais puisque la substantifique moelle du registre d’espionnage cherche en permanence à entretenir le flou et ne pas trop en dire, il faudra majoritairement déduire les ressorts de cette traque. Quant à la psychologie du personnage central, ses réflexes de combattant et la rumeur qui le désigne comme assassin de Khadafi, suffisent à lui valoir un fort charisme. Le rythme est tendu par le (très) joli dessin de Stéphane Crety, qui met en scène via des angles de vues cinématographiques tantôt les bas-fonds, tantôt les vues touristiques de la ville de Constantine. Le sérieux des sales bobines, le dynamisme des séquences d’actions, les cadrages savants et l’excellente rythmique des plans confirment encore que Crety est un des tous meilleurs dessinateurs réalistes du moment.