L'histoire :
Rod – dégaine de sportif athlétique – et Marcel – bedonnant et cheveux gras – ont les boules de pétanque. Sous un soleil de plomb, ils vont s’affronter dans une partie à hautes tensions. Le lancer du cochonnet est un moment solennel. Cet acte fondateur revient à Rod. Après vérification, la distance est conforme au règlement. Ils peuvent entamer la partie. Rod calcule, anticipe le terrain en retirant les petits cailloux, en aplanissant les surfaces d’atterrissage. Puis il lance une première boule. Ouille. Elle ricoche sur un caillou et se barre en biais dans l’herbe. Marcel boit une gorgée de Pastis. Sans se biler, Marcel n’a aucun mal à placer la sienne, à 20cm du cochonnet. Rod va devoir revenir au point. Il re-nettoie la piste consciencieusement et se replace dans le cercle règlementaire. La deuxième boule est lancée… re-cailloux, re-herbe. Rod fulmine. Surtout que Marcel se fiche de lui en lui conseillant d’essayer de lancer avec une raquette. Mais Rod conserve sa maîtrise. Cette fois, il recourt à une concentration maximale, transformé en super calculateur. Il fixe le cochonnet. Le soleil tape. Rod s’accroupit. Son bras exerce un savant mouvement de balancier, selon une force centrifuge d’un équilibre redoutable. Puis enfin, il lance sa troisième boule…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il est de plus en plus difficile d’identifier la thématique centrale de chaque recueil de la collection Papier. Y en-a-t-il seulement une dans ce 5ème opus ? Si c’est le cas, elle n’est indiquée nulle part et la variété des récits n’aide pas à en cerner le périmètre. Globalement, il est plutôt question de destinée tragique, de maltraitance animale, de souvenirs d’enfance douloureux… à condition de mettre de côté le premier récit de Grégory Panaccione (ci-dessus résumé). Cette historiette d’introduction est aussi la plus longue de toutes (50 pages) et elle mérite à elle seule l’investissement dans ce petit bouquin souple. Donc un focus appuyé. Cette Partie de pétanque forme un parallèle particulièrement jouissif au récent album Match de Panaccione, à cela près qu’il ne s’agit évidemment pas de tennis. Le héros (Marcel) est le même, la science de la rythmique et de la mise en scène touchent au sublime. Panaccione transforme une anodine partie en un pur moment d’humour et de tension. Dans des styles très variables et inégaux, s’ensuivent les cartes blanches graphiques pour le belge Martin Singer (un exercice graphique consistant à traiter graphiquement les mots d’une histoire), le néerlandais Sam Peeters (une vie résumée en 4 planches), le portugais Sama (histoire de sa vie), le belge Netch (une violente histoire d’art contemporain), le français Vincent Lefèbvre (autobiographie d’un jour), le brésilien Caeto (qui, enfant, maltraitait les animaux), les français Davy Mourier (le couple et l’amour), Stéphane Ollier (un indien excédé par le hurlement d’un loup), Timothée le boucher (un ado esseulé est traqué par des créatures horrifiques), Ohm (les mésaventures boule-de-neige d’un chasseur), re-Panaccione (qui a vu Deneuve dans un avion) et Mermoux-Frey (à propos de la guerre des sexes). C’est comme toujours et par définition très inégal… mais globalement sur le dessus du panier.