L'histoire :
Afin d’étouffer l’influence occidentale sur sa population, la RDA fait ériger, le 13 août 1961, le carcéral mur de Berlin. Du jour au lendemain, la capitale est hermétiquement divisée et ses habitants compartimentés, sans communication ni circulation possibles. Immédiatement, de très nombreux prisonniers de l’Est tentent de fuir la dictature qui les accable ou simplement de retrouver leur famille résidant à l’Ouest. Les employés de l’hôpital Lazarus sont des témoins tristement privilégiés de ces personnes qui risquent leur vie, ou meurent sous les balles des soldats. Il est désormais nécessaire de faire preuve d’ingéniosité pour percer une frontière qui se renforce peu à peu. L’histoire de la famille Holzapfel en est l’illustration. Peu à peu, des enfants naissent en apercevant par-dessus Das Mauer une ville inaccessible dont ils empruntent clandestinement la culture. Detleff Matthes, adolescent, la photographie et chante, derrière le mur, We can be heroes avec Bowie. Le 9 novembre 1989, après des semaines de contestations massives, un poste-frontière cède et des milliers de berlinois traversent en pleine nuit le pont reliant les deux parties désormais réunies de la capitale. Jan Hildebrandt fête ce jour-là ses 18 ans. « C’est de la folie ».
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cinq témoignages, cinq moments, cinq lieux de cette histoire dramatique de l’Allemagne que mettent en récit Susanne Buddenberg et Thomas Henseler. Parmi les trois albums qu’ils ont édité en collaboration avec das Bundesstiftung zur Aufarbeitung der SED-Diktatur – la fondation gouvernementale en charge de revisiter la dictature socialiste – Berlin, la ville divisée est le seul à nous parvenir en français. Grenzfall (2011), du nom d’un magazine politique underground, retraçait l’histoire de ses rédacteurs arrêtés par la Stasi, tandis que Tunnel 57 (2013) relatait la construction d’un tunnel sous le mur de Berlin. Les deux jeunes allemands ont donc clairement choisi de mettre leur art au service de la Mémoire de leur peuple. Selon leurs dires, ils jouent systématiquement les scènes qui leur ont été racontées en interview avant de leur donner corps sur le papier, afin de ressentir et de percevoir au mieux ce qu’ont vécu les protagonistes réels. A travers un dessin en noir et blanc et une narration très traditionnels, ils retracent le plus fidèlement possible ces histoires individuelles porteuses de l’Histoire collective. Les souvenirs sont tous complétés par un texte et des illustrations didactiques décrivant le contexte dans lequel ils s’inscrivent. Une rubrique « sur place » indique, à la manière d’un guide touristique, ce que sont devenus les lieux berlinois, décor des récits, devenus patrimoniaux. Un ouvrage intéressant, sans ambition esthétique, pour ceux qui chercheraient à en connaitre davantage sur cet épisode noir si proche de nous.
