L'histoire :
Dans sa tendre enfance, Sibylline dort souvent chez sa grand-mère. Comme ce jour-là, de son spectacle de danse. Elle attend longtemps que sa maman vienne lui faire son chignon, comme les autres mamans. Mais sa maman ne viendra jamais. Elle apprendra dans la voiture du retour, quand son père livide lui lira une lettre d’adieu, que sa maman s’est suicidée en se tirant une balle de carabine dans le ventre. Evidemment, un choc pareil, ça laisse des traces. Quand elle a 17 ans, Sibylline se retrouve internée dans un hôpital psychiatrique, parce qu’elle a fait une tentative de suicide. Avait-elle réellement envie de se supprimer ? Vu le temps que ça lui a pris de faire 20 lettres d’adieu à son entourage, elle en doute. Mais maintenant qu’elle a repris pied dans sa vie, elle doit bien faire avec son nouvel environnement : elle est chez les fous. Elle se souvient des premières heures, quand elle s’est réveillée sanglée à son lit, avec des infirmiers qui lui parlaient sans ménagement. Ce sont les pompiers qui l’avaient trouvée et amenée ici. Maintenant, elle a une chambre impersonnelle à la décoration minimaliste. Elle bouquine et elle fume clope sur clope. Et elle subit de plein fouet la folie des autres…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans cet album déjà publié en 2011 et aujourd’hui réédité par Des ronds dans l’o, la scénariste Sibylline témoigne avec une sincérité désarmante de son séjour en hôpital psychiatrique, 30 ans après l’épisode en question. En effet, à l’âge de 17 ans, Sibylline a fait une tentative de suicide. La plupart des « TS » – comme on les abrège généralement par pudeur – sont plus des appels à l’aide que des désirs réels d’en finir. C’était bien le cas de Sibylline qui revient, au cours des brèves séquences du début, sur les origines de son mal-de-vivre de l’époque. Celui-ci remonte (évidemment) à un traumatisme ultime d’enfance. Le gros de l’album se présente ensuite sous la forme de séquences indépendantes, chacune introduite par un titre intégré à un dessin schématique pleine page. Ces morceaux choisis témoignent chacun d’un moment au sein de l’institut Sainte Anne, l’hôpital psychiatrique où on a « rangée » cette post-ado pendant presque un mois. Les autres patients et leurs pathologies ; l’ambiance générale, plus carcérale qu’hospitalière ; les soignants et les procédures ; les visites compliquées ; l’amer constat de l’inutilité de cette période. On note que dans cette édition remasterisée, Sibylline ne s’appelle plus Aline, mais bien Sibylline. Comme pour expurger cette expérience horrible, l’autrice explique en postface être retournée plus de 15 ans plus tard au sein de l’hôpital Saint Anne, afin de confronter ses souvenirs et la réalité de son dossier médical. Dessiné avec une jolie griffe, aussi réaliste qu’expressive, par Natacha Sicaud, ce témoignage autobiographique a une vocation plus cathartique que documentaire. Il n’a pas vocation à dénoncer et n’a pas l’ambition d’un reportage exhaustif. Par définition autocentré, il assume et partage une tranche de vie aussi saumâtre que le goût du charbon de lavage stomacal.
