L'histoire :
C’est chouette, une vie de vieux ! A un âge avancé, le corps offre des possibilités jusque là insoupçonnées… On est fier, par exemple, de prêter son œil de verre au dernier des ses arrières-petits-enfants pour illustrer une jolie fable que l’on conte au coin du feu. On offre testicules ou seins pendants aux gamins du quartier pour qu’ils s’en servent de déguisements ! Et quand on ne sait plus quoi faire de son pote le ver solitaire, on invite un vieux copain qui en possède un lui aussi et mémé nous régale d’une tricot-party : réalisation de vêtements chauds avec les ténias… Et quid de l’anus artificiel, de la vulgaire poche à urine ou du fibrome utérin ? Nos chers têtes blondes y trouveront leur bonheur : bien mieux qu’une vulgaire console de jeu ou qu’une panoplie de martien, ils aiguaieront leurs après-midi. Un bel effort finalement pour combler le fossé des générations. Et l’on a beau être vieux, le démon du bas-ventre ne nous quitte pas et peu importe si les sexes pendouilles, si les dentiers claques, si les intestins s’escriment à faire de bien mauvaises blagues : chaud, chaud devant…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Du coté de la provoc’, le pari est réussi et l’on imagine Laetitia Coryn, telle une petite souris, nous regarder grimacer pour en jouir à satiété. Car c’est bien l’objet du délit : prendre plaisir à choquer. Du coté de l’humour, par contre, la jeune auteure tient moins bien la distance. Il est bien difficile l’exercice qui consiste à concilier provocation et situation comique béton : seuls les grands y parviennent parfois, lorsque le rire prime sur la volonté de choquer. A sa décharge, Laetitia Coryn s’attaque à une catégorie « haute sécurité » (les séniors) que notre bonne éducation (?) préfère confiner dans les hospices, mais certainement pas montrer flasque et embarrassée d’un corps qui s’oublie. Nous ne sommes pas tous encore prêts à sourires devant ces dépouilles qui seront un jour les nôtres. Certes, l’intention d’attirer notre regard sur les difficultés à vieillir est louable, mais on reprochera le plaisir scatophile qui sert de fil rouge au scénario : une sorte de Vuillemin bis, où étrons et sexes pendouillant sont à l’honneur un peu trop souvent. Si l’on ajoute que la présence d’enfants au milieu de ces gags n’est pas toujours de bon goût, vous comprendrez aisément que le malaise soit complet. Le trait caricatural produit, quant à lui, l’effet escompté, au diapason des excès du scénario. Un album qui interpelle, mais à ne pas mettre entre toutes les mains…
