L'histoire :
Septembre 1946, un cinéma des Champs-Elysées. Tous attendent avec impatience – dont les comédiens Suzy Delair et Bernard Blier – l’arrivée d’Henri-Georges Clouzot. Le cinéaste doit en effet présenter ce qui est annoncé comme un chef-d’œuvre : Le Mystère Balzac. Mais le metteur en scène, qui a pourtant l’habitude d’interdire l’entrée des salles de spectacles aux retardataires, ne vient pas. Présentée par son producteur – fidèle parmi les fidèles – et ancien résistant Barrant-Rondeau, la projection débute sans lui… Quelques mois auparavant, le même Barrant rejoignait son ami à Bayeux, sur les lieux du tournage. Il est heureux d’en avoir fini avec un voyage pénible en train, pour lequel il a du subir les derniers commentaires des voyageurs sur l’affaire du moment : celle du désormais tristement célèbre docteur Petiot. Arrivée sur place, l’ambiance est cependant plus que tendue. Clouzot et sa femme, l’actrice Suzy Delair, se sont violemment disputés. La jeune femme fond en larmes dans les bras du producteur qui, pour la consoler, ne tarde pas à lui confier discrètement un petit sachet. Clouzot semble effectivement très nerveux. Et ce n’est malheureusement pas les rushes, que lui confie son ami, qui vont le calmer : ils contiennent des scènes que le cinéaste n’a jamais tournées. Des séquences pour le moment anodines. Mais ce n’est malheureusement qu’un début...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après Balzac, et avant d’y rôtir elle-même, dans le 3éme et denier opus, Valérie Mangin soumet malicieusement au jeu de la mise en Abymes le cinéaste Henri-Georges Clouzot. Et pour corseter brillamment son affaire, la scénariste pousse l’exercice jusqu’à imaginer une intrigue dans laquelle le cinéaste controversé prend pour sujet de son futur chef-d’œuvre, l’histoire d’Honoré Balzac telle qu’elle nous avait été décrite – ou plutôt joliment revisitée – dans le tome 1. A nouveau conduit par un suspens à tendance policier, le récit torture son personnage central. Clouzot découvre en effet dans les rushes de son film, des scènes qu’il n’a jamais tournées lui-même. Et qui plus est font l’étalage de situations peu glorieuses : humiliations, voire violences conjugales, toxicomanie, adultère présumé, financement douteux… Il suffira d’ajouter à l’ensemble des suspicions de collaboration faites à son égard (nous sommes en 1946), une CGT bouillonnante, un caractère trempé ou de drôles d’accointances avec l’affaire Petiot (?), pour rendre la situation on ne peut plus explosive. Au bout : le désastre ou un génial moment de cinéma ? Et qui sont réellement les gentils et les méchants ? Parfaitement maîtrisé, l’ensemble capte avec intérêt. Nul besoin d’avoir lu le premier tome pour en saisir l’intrigue... mais force est de reconnaître que si c'est le cas, l’exercice souffre un peu de la comparaison. On est de fait moins surpris par la trame et son final, les ressorts ici utilisés étant très proches de ceux maniés auparavant. La mise en abyme est nettement moins franche aussi (existe-t-elle vraiment ?). Mais l’essentiel est là et la vraie Histoire, si habilement distordue – avec nombre d’éléments émanant de la réalité – qu’on ne peut que saluer la richesse du récit. Moins percutant peut-être, mais joliment ciselé. Loïc Malnati tire lui aussi habilement son épingle du jeu. Son travail reste un brin statique, mais il conserve parfaitement l’esprit et l’époque évoqués ici.