L'histoire :
Dans un monde moyenâgeux, la jeune Morue – nommée ainsi à cause de l'odeur de poisson dont elle est imprégnée à force d'en écailler – est la risée de son village. Recueillie par sa marraine, avec sa mère, la pauvre est le laideron du village. Il n'y a guère que sa mère ainsi que Pierre, un jeune habitant du village, pour éprouver de la sympathie à son égard. Poussé à bout par les railleries des villageois et envoyée dans les bois pour y ramasser du bois, Morue finit par verser une larme sur un crapaud qui passait par là. Mais voilà, il se trouve que, ce faisant, Morue libère une fée, Mab, qui était emprisonnée sous cette vile forme. Mab propose d'exaucer un de ses vœux et, bien sûr, Morue souhaite être belle. Si Mab avoue ne pas pouvoir changer l'aspect de la jeune fille, elle s'exécute néanmoins en modifiant la perception qu'ont les gens de son aspect physique. Rentrée au village, Morue se rend vite compte que la fée a dit vrai : tout le monde, et surtout les hommes, la trouvent d'une beauté exquise. Cependant, le vœu va vite se retourner contre elle et les villageois vont s'écharper entre eux. Les hommes pour la posséder et les femmes pour se débarrasser d'elle. En la défendant, la mère de Morue va d'ailleurs y perdre la vie. Morue ne devra son salut qu'au seigneur local, Eudes, qui va la prendre sous sa protection et aussi, bien sûr, en tomber éperdument amoureux. Ainsi commence le récit de Beauté – le nouveau nom que Eudes donne à Morue – qui va, à son insu, provoquer nombre complots et guerres autour de ses charmes...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec cette intégrale, on retrouve ici les trois tomes de Beauté sortis chez Dupuis entre 2011 et 2013. Conte plutôt adulte de par son contenu – les passions que déchaîne la beauté de l’héroïne sont à la hauteur des violences qu'elles engendrent – Beauté explore de nombreuses facettes de l'humain, aussi bien sombres que lumineuses. Si, au départ, l'histoire ressemble à bien des contes de fées, on part vite dans une succession d'éclats de violence et de complots visant à exploiter le pouvoir de la beauté de l'héroïne, capable de subjuguer les hommes au point de les rendre fous. On comprend très vite que les desseins de la « bonne fée » Mab ne sont pas aussi aimables qu'on aurait pu le croire. Et on est aussi frustré face au caractère capricieux et revanchard que semble adopter l'héroïne. Mais sans que l'on s'en rende compte, les intrigues se tissent et l'histoire transcende vite son statut de départ de conte de fées. Disons le tout net, l'histoire est très, très bien écrite et on ne sait jamais vraiment, jusqu'au dernier tome, si elle connaîtra un dénouement heureux ou non. Les personnages se suivent et nous quittent, tragiquement, souvent, après que l'on se soit attachés ou habitués à eux. Même les pires barbares (le roi du Nord, par exemple) finissent par tomber le masque et montrer leur fragilité face à celle qui est une déesse pour eux. Beauté ne se destine pas aux tout-petits et la maturité du récit, comme de nombreux événements violents (le Roi du Nord est un adepte de la décapitation surprise en guise de blâme), n'en font pas une lecture du soir très recommandée pour les petites têtes blondes. Mais une écriture plus qu'efficace alliée aux illustrations de Kerascoët (très beau travail sur les couleurs) en font une excellente lecture. Un beau récit doublé d'un regard intéressant sur les humains et leurs luttes de pouvoir, le tout fondé sur le socle des contes traditionnels. Chaudement recommandé !
