L'histoire :
Un peu fou, narcissique, accro au public et à la reconnaissance, effrayé par la mort, parano, timide, amoureux, exhibitionniste, colérique, poseur à l'ego boursouflé, Salvador Dali fut l'un des artistes les plus populaires du XXème siècle. De Figueres à Madrid, en passant par Paris et New-York, le peintre Dali a voyagé, erré, peint fiévreusement. A la fois peintre, sculpteur, scénariste ou écrivain, il puisa son inspiration dans l'énergie du surréalisme pour mettre en image ses démons intérieurs ou une conscience refoulée, des idées obsédantes ou délirantes. A tel point qu'il inventa la « méthode critique et paranoïaque ». Le style de Dali, unique et personnel, fantasque et débridé, est ainsi reconnaissable à mille lieues : onirisme, bizarreries surréalistes, coups de sang et associations étonnantes retranscrits dans quelques célèbres tableaux à l'atmosphère prégnante ou suggestive : Galatée aux sphères, Prémonition de la guerre civile, La Persistance de la mémoire... Miroirs de l'inconscient, ses tableaux révélèrent une imagination fantasque qui associait les éléments les plus disparates. Ses thèmes : le rêve, la mémoire, la sexualité libérée... Une ambition : choquer ou déranger... et sauver l'art !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A l'occasion de la rétrospective consacrée à Dali au Centre Pompidou, Baudouin s'immerge dans la biographie et l'univers graphique de l'artiste, puis entame un dialogue intimiste avec un personnage complexe et son œuvre pour en délivrer quelques ressorts : amitiés avec Bunuel, Garcia Lorca, sa sympathie ambiguë pour Franco, ses pulsions sexuelles refoulées... Du portrait, il ressort un homme à la fois torturé et mégalo, capable de génie et d'excentricité avec une question sous-jacente classique : la folie est-elle condition de la création ? Croisant son style avec celui de Dali, s'appuyant sur des faits réels reformulés, Baudouin livre de magnifiques planches charbonneuses, éclairées de couleurs vers la fin, faisant la part belle aux œuvres de l'icône, à ses obsessions fécondes et foisonnantes (voir la montre molle pendouillant à une branche) exprimées dans l'art pour permettre une catharsis. Un moyen pour Dali de se sauver, mais aussi de sauver l'art. Quête spirituelle, recherche de vérité pure qui est aussi une lutte inconsciente et permanente contre la mort, la vie de Dali est riche de paradoxes et d'amour, de secrets et de génie, où il suffit d'un tableau pour transformer l'immoralité en immortalité. Voir sa période surréaliste, déterminante dans son parcours, où il se libère par l'art de toutes les entraves de la morale bourgeoise. Au-delà de la performance graphique réussie de Baudouin, on regrette cependant que le livre verse parfois dans l'énumération biographique ou le catalogue factuel. Beaucoup plus intéressant lorsque l'auteur pose les questions en y apportant des réponses visuelles à l'iconographie obsessionnelle inquiétante, évidemment riche de sens et de mystères. Un bon complément de l'exposition, qui finalement en dit autant sur Dali qu'il pose de questions sur son œuvre. L'histoire et le portrait d'un homme qui aura frappé l'imaginaire et l'inconscient collectif par une vie authentique, faite du refus d'une culture dominante et aliénante, où invention libre et enthousiasme se conjuguaient à rebours de tout conformisme.
