L'histoire :
Début du XXéme siècle, Patagonie. Engagé sur un baleinier, un jeune indien de 12 ans, Esteban, se trouve pris au piège des glaces avec l’équipage du « Leviathan ». Le navire a en effet été pris en chasse par un vapeur équipé d’un lance-harpon qui lui a coupé toute possibilité de gagner le large. Aussi les marins regrettent-ils que leur capitaine ait eu la bonne idée de tenter de saboter ce bateau moderne. Car désormais, seuls sur l’océan glacé, leur chance de survivre est proche du néant. Pourtant, ils parviennent par miracle à regagner leur port d’origine. Mais ils n’ont guère le temps de goûter au bonheur d’être en vie : le commandant du vapeur (affrété par le gouverneur) les a dénoncés. Avant d’être jugés, ils sont conduits derrière les barbelés du bagne d’Ushuaia pour une durée indéterminée. Seul Esteban a réussi à prendre la tangente, grâce à son oncle Tonto. Et il est bien déterminé à tout faire pour sauver ses amis. Malgré les recommandations de Tonto, il décide alors de pénétrer dans la prison, à bord d’une charrette de livraison. Vite repéré, il doit son salut à une brillante idée : il prétend avoir usé de ce stratagème pour venir travailler dans l’établissement. Larmoyant, geignant, mentant sur son âge, tel le bon comédien qu’il sait être, il parvient à attendrir la femme du directeur. Et de fait, il ne tarde pas enfiler l’uniforme des surveillants du pénitencier d’Ushuaia…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Chasse aux cétacés bourrée d’adrénaline, prise de bec avec l’équipage d’un baleinier à vapeur et lutte pour survivre au milieu des gros glaçons, auront alimenté les 3 premiers épisodes d’une saga captivante portée par un petit indien patagon fort attachant. Et si le pied marin était jusqu’alors de rigueur pour suivre ce périple glacé, il faudra cette fois s’armer de patience pour retrouver le pont d’un navire et se laisser bercer par le roulis. De la terre ferme, donc, pour nos racés marins du « Leviathan », mais celle gelée du bagne d’Ushuaia. Le tome 3 les a en effet laissés – une fois de plus ! – en bien mauvaise posture. Après l’océan, c’est ainsi l’univers carcéral, ses matons vachards (et un plus malin qu’on connait bien…), son mitard, ses barbelés et ses travaux forcés, qui servent de toile de fond à l'intrigue, loin du tumulte marin, mais qui n’en perd pas pour autant sa veine aventureuse. Matthieu Bonhomme prouve ainsi qu’il peut tisser la toile de son filet bien au-delà du « simple » récit maritime. Et garder, de même, une force d’attraction idéale, construite autour d’un lot de protagonistes dont les reliefs s’étoffent judicieusement à chaque nouveau récit. Au delà, l’ensemble est une nouvelle fois impeccablement mis en scène : rythmé, dédié à l’action, nourri de piques scénaristiques excitant la curiosité (l’éthéromanie de la femme du directeur, le stratagème d’Esteban, la personnalité de certains prisonniers..) et dissertant comme un grand sur l’inépuisable thème de la liberté, avec beaucoup d’à-propos. D’ailleurs, à l’issu de cet épisode, c’est bien de ce coté de l’horizon qu’il faudra porter le regard, la conclusion invitant à une suite ouverte (malin celui qui devine ce qu’il adviendra de nos amis…) ne pouvant que procurer du mouvement. A suivre, donc, dans un prochain tome déjà en préparation. Pour l’heure, en tout cas, laissez-vous faire par le mouvement du dessin, le crayonné magique, les personnages à gueule et la sublime palette de couleurs contrastées…