L'histoire :
A Londres, en 1920, le détective Jason Brice s’est fait une spécialité de démasquer les charlatans parmi les médiums et autres spirites abusant de la crédulité des pauvres gens. Aussi, ce cartésien de nature est-il durablement intrigué lorsque Theresa Prendergast lui soumet une nouvelle affaire pour le moins piquante. Cette jeune femme de la bonne société britannique vient en effet d’acquérir une belle demeure de campagne. Or, durant l’aménagement, son majordome Hopkins a trouvé un carnet quelque peu préoccupant, titré : « Le meurtre de Theresa Prendergast » ! A l’intérieur, il s’agit d’une nouvelle policière, rédigée par un dénommé Morgan Fatoy. L’écrivain y raconte avec moult croquis éloquents, l’histoire de la mort de la propriétaire du manoir et établit une liste de signes avant-coureur : un envol de corbeaux, des poissons morts, des anges qui disparaissent, un bébé mort, une pluie de sang… Or, depuis que Theresa a vécu le premier de ces signes, l’angoisse ne la quitte plus. Un seul élément ne colle pas : dans le roman, il manque un doigt à la main gauche de Theresa, alors que la jeune femme dispose bel et bien de ses 10 doigts. James Brice mène aussitôt son enquête auprès du précédent propriétaire de la demeure. Ce dernier lui apprend que Morgan Fatoy est décédé 12 ans auparavant, et qu’il avait un véritable don pour les prédictions. Par exemple, il avait décrit le naufrage du Titanic dans ses moindres détails, 10 ans avant qu’il ne se produise…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On était très impatient de voir à quoi allait s’atteler le scénariste belge Alcante, après son entrée en fanfare dans le paysage bédéphile francophone avec l’octologie conceptuelle Pandora Box. C’est désormais chose faite au regard de ce tome d’exposition de Jason Brice, nouvelle série au long cours sous la bannière Repérage (grand format). On y découvre un enquêteur cartésien, dans l’Angleterre des années 1920, qui s’évertuera à démêler des affaires aux frontières du paranormal. Une sorte de X-files de la belle époque, en quelques sortes. Pour sa première enquête (il s’agit d’un récit complet), Jason est confronté à un mystérieux écrit prophétique dont les variables s’avèrent d’emblée captivantes. On reconnait là le talent narratif particulièrement accrocheur d’Alcante ! Au-delà des conjectures ésotériques, le lecteur participe en effet également à un jeu de Cluedo® dans l’ambiance so british idoine. Qui veut nuire à Theresa ? Est-ce le majordome ? Le frère discret ? Le gentil docteur ? Le fantôme d’un garçonnet ? Comment tous les signes funestes avant-coureurs s’expliquent-ils ? Alcante joue avec les fausses-pistes, les coups de théâtres, et délivre un substantifique final habile, s’affranchissant malignement des ficelles du genre. En outre, l’ensemble est mis en relief par les encrages réalistes soignés de Milan Jovanovic (Le serpent sous la glace) et rehaussé par les couleurs expertes de Sébastien Gérard. Avec beaucoup de savoir-faire, ce trio d’auteurs parvient progressivement à faire monter la tension, à instiller une ambiance d’épouvante jouissive qui nous tient véritablement en haleine, jusqu’à la dernière planche. Une bien chouette entrée en matière, qui comblera pleinement les amateurs de polar…