L'histoire :
Dès ses 14 ans, le jeune Tomas Torquemada s'illustre au sein du couvent San Pablo de Valladolid. Plus acharné dans la prière, plus investi dans les études, d'une rigueur extrême et jamais souriant, il impressionne ses collègues. Quelques décennies plus tard, devenu le confesseur d'Isabelle de Castille, il exercera sur elle une influence grandissante, incarnant la foi catholique contre les hérésies de toutes sortes. Les conversos, ces juifs ou musulmans convertis au catholicisme, pourraient continuer en secret de pratiquer leur ancien culte. Il propagera des rumeurs contre ces juifs, rumeurs que le peuple reprendra et amplifiera. A l'époque, les musulmans occupent encore quelques villes dans le sud de l'Espagne, comme l'émirat de Grenade. Ainsi lorsque Isabelle devient l'épouse de Ferdinand d'Aragon, le Pape leur donne l'autorisation de lancer une Inquisition sur leur territoire. Cette juridiction spéciale finira placée sous l'autorité de Torquemada, un pouvoir énorme qu'il utilisera pour mettre en pratique sa vision d'un royaume purifié de tous ceux qui pourraient nuire à la doctrine extrémiste de ce moine dominicain intégriste. C'est le début d'une période de soupçons, de dénonciations, de violences, de mises à mort arbitraires. Qui coïncide avec, à la fois la Reconquista espagnole, et la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C'est sur le ton de l'humour noir et des dessins à la Gotlib que les auteurs ont choisi de dresser le portrait d'une nouvelle personnalité sombre de l'histoire, l'inquisiteur Torquemada. Le retour dans le XVème siècle espagnol débute avec une assez longue description des luttes de succession qui ont conduit Isabelle et Ferdinand sur le trône, pendant que l'influence du moine dominicain prend de l'ampleur. Le ton délibérément au second degré n'empêche par le scénario de Bernard Swysen de passer un message sur la folie de cette extrémisme religieux, sa capacité à détruire aveuglément des vies. Il met aussi en scène de quelle manière la rumeur peut conduire la foule à être le bras armé de cette haine envers l'étranger, et nous rappelle que les juifs étaient déjà une cible désignée de cette folie. On a l'impression d'en savoir réellement plus sur le personnage de Torquemada, et le rappel que ces évènements sont contemporains du retour de Christophe Colomb d'Amérique met en évidence que le grand-public oublie facilement une partie de l'Histoire. Le dessinateur Marco Paulo s'est visiblement régalé à donner au personnage des traits ultra caricaturaux – même son âne en page 36 a un regard malsain – à l'image des personnages délirants de la Rubrique à Brac. Très précis, radical au point de n'être pas à mettre entre des mains enfantines, son dessin donne le ton de cette bio un peu délirante, bien que sérieusement encadrée par une préface et une postface tout ce qu'il y a de plus sérieuses.