L'histoire :
Coltrane : Un grand-père accueille dans sa chiche bastide rurale, son petit-fils Horace, un adulte un peu marginal qui vient de sortir de prison. Ce dernier le rassure : c'est l'affaire d'1 ou 2 mois, tout au plus... Mais le grand-père n'a pas besoin d'être rassuré : il est ravi et fin heureux de cette présence ! Il peut lui léguer son tourne-disque et toute sa collection de vinyle de jazz. Horace est même autorisé à reprendre le saxo, bien que cela fasse aboyer Coltrane, le chien. Horace ne le montre pas, mais il est heureux de renouer avec ce type de vie saine et simple, sans se sentir redevable...
Vivaldi : Monsieur Abdelaziz, sourd de naissance, invite Mademoiselle Chatelle à prendre le thé dans son appartement. Tout en dévorant les délicieux petits gâteaux, celle-ci l'interroge sur la logique d'avoir un canari, dont le chant harmonieux égaye incroyablement la pièce...
Les brûlures : Chaque matin, quand Nutella – grand, chauve et noir – arrive à la piscine pour y faire ses longueurs, c'est l'heure à laquelle une jeune femme sort du grand bain. Ça fait un moment qu'il l'a remarquée, elle qui nage toujours seule, toujours en combinaison intégrale. Il en est secrètement tombé amoureux, mais il ne sait visiblement pas s'y prendre pour l'aborder. Il se prend en effet râteau sur râteau. Un jour, il ruse et dépose dans son vestiaire un pot de Nutella avec un « bon pour prendre un cappuccino »...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Outre la particularité de porter l'un des titres les plus longs du 9e art, cet épais recueil made in Benoît Zidrou se distingue par le ton extraordinairement optimiste de ses historiettes. Ne cherchez pas d'issus complexes ou d'intrigues haletantes : la beauté des sentiments et des intentions EST le sujet, et il est diablement embrassé. A l'instar de la Première gorgée de bière, Zidrou évoque simplement moult plaisirs nécessaires, au sein de 15 « nouvelles » autonomes. Tantôt c'est le grand-père qui aide son petit-fils à redémarrer une nouvelle vie (Coltrane) ; tantôt l'analyse du regard de l'autre sur un corps dénudé (L'intimité, en 3 saynètes) ; tantôt un aveu dingue qui passe comme une lettre à la poste (Noël blanc) ; tantôt une histoire d'amitié qui ne s'arrête jamais (Paris, Berlin, Amsterdam, Tourgny-sur-Vielle) ; tantôt le PDG qui laisse sa maman, atteinte de la maladie d'Alzheimer, croire qu'il a toujours 10 ans (Le view-master) ; tantôt cette vieille dame du titre, qui n'avait effectivement jamais joué au tennis, et qui vivait seule et recluse en compagnie de ses trois fantastiques animaux. Chacun de ces 15 récits donne diversement la foi en l'humain, l'envie de pardonner, d'aller vers l'autre, de crier son amour, bref, de sourire à la vie. Or, Zidrou a réuni autour de lui un casting d'artistes, connus et inconnus, mais tous parfaitement capables d'insuffler la poésie requise par le sujet. Colombo, Cordoba, Gili, Homs, Hureau, Lafebre, Sempere, Siri et Van Beughen accordent chacun différemment l'expressivité idoine à leurs personnages, dans la grande tradition de l'école belge de Marcinelle (Franquin, Will, Morris...). Une BD qui donne la banane !