L'histoire :
Novembre 1975. Angelina, d'origine espagnole, habite à Montpellier depuis près de 30 ans. Elle y mène une vie routinière bien établie : un mari, des enfants et, en prime, elle subit les avances du directeur comptable de sa société, Alpha-Pharma. Bien qu'elle ne soit pas disposée à être infidèle, elle trouve une certaine satisfaction dans la séduction exercée par celui-ci. Cependant, un matin, un coup de fil alarmant de son beau-père René vient bouleverser son quotidien. Sa mère est à l'hôpital, à Barcelone, suite à une crise cardiaque. Barcelone ? Pourtant, tout le monde pensait que sa mère était en vacances en Auvergne ! René et Angelina décident de se rendre immédiatement à Barcelone et prennent le premier train en direction de la capitale catalane. Dans le compartiment, le vieil homme et sa belle-fille engagent une conversation animée. Ils s'étonnent tous deux du retour de leur mère en Espagne, alors qu'elle avait juré de ne plus y retourner tant que Franco serait en vie. René encourage alors Angelina à partager ses souvenirs d'enfance, à évoquer leur exil aux côtés de sa mère. Ce départ précipité avait pour origine les bombardements fascistes des premières heures de la Seconde Guerre mondiale. Pour mettre sa famille à l'abri, son père républicain avait dû refouler sa colère et ses désirs de combattre. Ils avaient alors entrepris un voyage en voiture, puis à pied à travers les Pyrénées enneigées, empruntant la route du col du Perthus qui les conduisait vers la France...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans le sillage de l'excellent Barcelona, âme noire, la collection Aire Libre s'enrichit d'une intégrale qui réunit un diptyque paru il y a quelques années aux Éditons Dupuis, autour de la thématique des réfugiés d'espagnols fuyant le franquisme. Point commun : Torrents et Lapière figurent au casting de ces deux sorties. Dans le Convoi, Denis Lapière raconte l'exode d'une famille espagnole qui, après avoir traversé les Pyrénées, se retrouve parquée dans des conditions atroces dans l'enceinte du camp de Perpignan. Mais l'horreur ne s'arrête pas là, avec la déportation dans les camps de concentration pour le père... L'histoire est poignante de bout en bout, avec tout son lot de rebondissements. Inspiré (cette fiction est en partie autobiographique), le dessinateur catalan Eduard Torrents livre une jolie prestation graphique et nous plonge littéralement avec son trait épais (rappelant le mythique Pellejero) dans cette époque nébuleuse. Angelita est parfaitement mise en lumière par des regards intenses et les couleurs frappantes de Marie Froidebise. En fin d'album, un dossier exclusif éclaire nos lanternes sur ce passage méconnue de l'histoire dont la France ne sort pas grandie. Avec nos yeux de 2024, on ne peut s'empêcher d'espérer et d'œuvrer pour que cela n'arrive plus jamais. Pourtant...