L'histoire :
La montpelliéraine Angelita a été alertée par un coup de fil anonyme : sa mère est entre la vie et la mort à l’hôpital de Barcelone. Que faisait-elle là-bas ? Elle s’y rend aussitôt en train, en compagnie de son beau-père René. Elle profite du voyage pour lui raconter les tragiques circonstances de leur exil d’Espagne à la fin des années 30, fuyant le régime de Franco. C’est à cette époque qu’elle a été séparée de son père, qui est mort plus tard dans le camp de Mauthausen. Aussi la surprise est-elle immense lorsque, une fois arrivée au chevet de sa mère endormie, elle est accueillie par… son père ! Angelita entre tout d’abord dans une profonde colère : pourquoi l’a-t-il abandonnée sans amour paternel durant 44 ans ? Manuel se lance alors dans une longue et nécessaire explication : lors de leur fuite en 1937, lui voulait rester et se battre aux côtés des républicains pour son pays. Il avait accepté d’accompagner sa famille vers la France, mais avec le dessein de revenir. Son épouse Julia avait alors considéré cette attitude comme une irresponsabilité familiale. Elle avait décidé de se débrouiller seule avec sa fille. Orchetrée par la police française, la séparation au Perthus n’en avait pas moins été tout de même très douloureuse. S’en était suivi pour lui des années de cauchemar…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Inspiré par l’histoire de sa propre famille, le dessinateur ibérique Eduard Torrents a exprimé le besoin de s’intéresser en bandes dessinées à la Retirada – alias l’exode des espagnols vers la France durant la guerre civile, sous le régime de Franco. Le sujet est vaste et sensible : utiliser la petite histoire pour raconter la Grande est un exercice difficile, surtout dans le registre compassionnel qui réclame délicatesse et savoir-faire. L’horreur des convois de déportés, des camps de concentration, la séparation d’une fillette de son père étaient entre autre raisons de sombrer dans le sentimentalisme. Aussi, les rênes de cette histoire en diptyque ont-elles été confiées à un grand scénariste, rompu à l’exercice. A travers un récit impeccablement rythmé et géré, Denis Lapière parvient à transmettre les émotions, à imbriquer les flashbacks sans jamais perdre son lecteur. Le diptyque se dévore littéralement et une fois refermé, laisse exprimer la chance de pouvoir profiter des siens. Tant qu’à faire, il fait également œuvre de didactisme sur moult paramètres politiques et historiques de la Retirada. Le dessin de Torrents poursuit dans la même veine de trait réaliste épais, certes un ton en dessous de celui de Pellejero, tablant sur une palette limitée d’expressions faciales pour les personnages. Il reflète tout de même un boulot de reconstitution très sérieux pour une première œuvre.