L'histoire :
Agrippé à une barque retournée, Ivan Barnave aborde un curieux rivage bordé de récifs. Faune et flore y sont plus qu’étranges, quasi extraterrestres. Il explore l’intérieur des terres mais il n’y a pas âme qui vive, hormis une colonie de limaces roses géantes qui l’obligent à rouler en bas d’un fossé. Là, des cranes humains et des épées abandonnées prouvent que l’environnement est hostile. Il est alors happé par une plante carnivore géante, et s’en libère juste à temps, d’un coup d’épée. Près d’un mois plus tard, il s’est confectionné une cabane dans un arbre et peut ainsi survivre sur du long terme… mais il se sent observé. Il lui faudra attendre de subir un accident mortel ( ! ) pour enfin rencontrer… le grand rouge ! Quelques semaines plus tôt, Ivan Barnave n’était encore qu’un escroc libertin, impitoyablement traqué par le seigneur Flandrin et ses hommes. A l’origine de cette pugnacité, une petite escroquerie de 3 Louis d’or et surtout, une coucherie avec la femme de Flandrin. Ivan et son compère William fuient donc vers la ville de Hejvik. D’escrocs, ils sont devenus meurtriers, car Ivan a du tuer un sergent. Ils se font alors bêtement « cueillir », lors d’un bivouac, par des chasseurs de prime (Flandrin a mis les moyens !). Barnave passe en jugement et récolte une condamnation à la pendaison, en la cité de Burdal…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans le genre aventure insolite et riche en évènements, Le grand rouge s’impose là ! Dans ce one-shot de 158 planches entièrement redessinées par son auteur Wouzit (son premier album, initialement paru en 2011), on suit en parallèle deux récits qui semblent n’avoir rien en commun, délivrés en chapitres alternés. Dans les chapitres impairs, le héros Ivan Barnave explore un monde de science-fiction extraordinaire et hostile, digne des Mondes d’Aldebaran de Léo, où il rencontre le fameux Grand rouge (une créature mixée entre la Mantrisse et le Géant Vert® de la pub). Dans les chapitres pairs, le même héros est traqué et condamné pour escroquerie et meurtre, dans un vague contexte historique teinté médiéval, western et piraterie… mais bel et bien terrestre et cartésien. Avec ce melting-pot de genres et d’influences a priori difficile à marier, le jeune auteur complet joue à dessein des fausses pistes que son système narratif insinue chez le lecteur. Les deux périples sont-ils successifs ou parallèles ? Est-ce un rêve ? Un voyage intérieur ? Une allégorie ? En sus de pouvoir suivre deux aventures distinctes empruntant des voies inattendues, tout le sel de l’album se situe dans les différentes interprétations que le lecteur tente d’accorder à ces deux fils rouges. Il faut attendre la toute fin pour que la relation effective entre les deux histoires – que nous tairons pour préserver le suspense – soit dévoilée. Elle sera cohérente et surprenante. C’est bien joué, même si pour en arriver là, la densité des évènements impose parfois à certaines séquences un léger manque de limpidité. Notamment, l’utilisation sans vergogne des ellipses ajoute de temps en temps une (petite) confusion dispensable à l’énigme jubilatoire (mais rien de rédhibitoire). Le dessin « naïf » (ou synthétique) et la colorisation bariolée ne feront sans doute pas l’unanimité… La partition graphique totalement « remasterisée » à l'occasion de cette réédition se montre pourtant régulière, cohérente et souvent détaillée. Bref, ce premier album intéressant et prometteur ravira les lecteurs en quête de nouvelles expériences.
