L'histoire :
Fin juillet 1986, Didier Lefèvre met les bouts : adieu Paris et bonjour Peshawar (Pakistan) ! En pleine guerre russo-afghane, à la demande de l’organisation Médecins Sans Frontières, ce photographe doit accompagner une expédition pour l’immortaliser sur pellicule. Arrivé sur place, il ne tarde pas à faire connaissance de Juliette, le chef de mission. Puis John, Robert, Régis des médecins, ainsi que Mahmad, le guide-interprète afghan qui les accompagnera. Tous s’activent pour préparer le périple qui doit leur permettre d’acheminer une aide médicale à travers les montagnes afghane. On s’organise, on remplit parfaitement les cartons, on les scelle avec minutie… Didier se fait même confectionner (comme les autres l’ont fait avant lui) le parfait trousseau local pour, à la fois être à l’aise, conforme à la décence islamique et passer inaperçu. Il apprend aussi avec Mahmad quelques rudiments de la langue. Principalement pour être poli et respectueux en toutes circonstances. Il hérite même d’un nouveau prénom, « Ahmadjan », pour parfaire sa complète et totale intégration. Chevaux, argent, équipe d’accompagnateurs… Tout est OK pour un voyage de trois mois. Le départ est proche, qui devrait les faire rejoindre Zaragandara. Mais la route sera longue, la montagne exigeante, le danger permanent. Au bout, il y aura, cependant aussi, des rencontres et surtout une jolie leçon d’humanité donnée par des médecins capables de tout…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
S’il y a bien une trilogie que tout bédéphile conseille les yeux fermés au néophyte voulant franchir la frontière et laisser derrière lui « gros nez » et « petits mickeys », il s’agit bien de ce périple afghan, ici proposé en intégrale. Pourtant, à bien y regarder, il ne s’agit pas d’un album au sens où on l’entend habituellement. Et puis franchement, en plus, c’est carrément épais (260 pages), maigre en surprises et peu distillateur d’action… Mais pour ce qui est de nous gorger d’humanité et parcourir de délicieux frissons d’émotions, rares sont les ouvrages qui peuvent s’enorgueillir d’y parvenir avec un tel brio. C’est Didier Lefévre, himself, qui prend les manettes à la voix off pour nous narrer son premier voyage avec MSF (1986) en Afghanistan, pendant le conflit russo-afghan. Chacun des 3 tomes est une partie du périple (Préparatif/marche/arrivée au dispensaire afghan ; vie au dispensaire ; marche de retour vers le Pakistan). Savonneuse à souhait, parce qu’elle entrelace dessin, photographie, ton documentaire journalistique, la manière de faire se révèle d’une efficacité bluffante. Elle nous colle dans une réalité qui bien que nous dépassant, nous touche de case en case. Pas d’exploit héroïque, mais des rencontres d’hommes et de femmes, médecins, paysans, moudjahidines, enfants et de nombreuses mains tendues… posées délicatement à la fois par le regard du photographe et de l’homme pétri de valeurs : du simple œil témoin s’interdisant tout jugement, au bonhomme ne craignant pas de se livrer totalement. Si le dessin joue l’épure, s’effaçant avec humilité devant cette aventure humaine, voix off et dialogues sont autant de gifles porteuses d’émotions. On aime Didier, Juliette, Régis, Robert, John, Mahamad et les autres. On voudrait les serrer dans nos bras, s’amuser avec eux des repas pantagruéliques dont ils se contentent pour tenir et les remercier pour la leçon. Complété d’un petit mémo indiquant ce que chacun est devenu et d’un DVD d’un petit film réalisé pendant l’aventure, le récit est encore plus saisissant. Saisissant aussi quand on sait ce que l’Afghanistan est devenu depuis et combien le travail des journalistes est là-bas compliqué. Une intégrale indispensable pour aussi se souvenir de Didier Lefèvre, disparu prématurément.