L'histoire :
Le lieutenant Abott fait son dernier rapport, alarmant, au général Alexander : suite aux derniers combats, les dégâts sont sévères : les pièces d’artillerie sont ravagées, les morts nombreux, les blessés pullulent… et les désertions se multiplient. Mais le principal problème vient de l’infirmerie qui a été ravagée, ainsi que tout son personnel. Or, ça devient franchement délicat d’envoyer des hommes au front, alors qu’il n’y a même pas un médecin pour les rafistoler. Un courrier est aussitôt envoyé au général Grant pour qu’il trouve une solution d’urgence. Celui-ci a l’idée d’envoyer – ou plutôt de se débarrasser – d’une certaine Mary Edwards Walker. Effectivement médecin de profession, celle-ci est en effet réputée dans les hautes sphères, pour avoir un caractère de cochon et être précurseur en matière de féminisme… Quand les tuniques bleues apprennent qu’un nouveau médecin va débarquer dans leur unité, évidemment, le caporal Blutch se porte volontaire pour le seconder : tout est préférable plutôt que de monter au casse-pipe. Cependant, dès que Miss Walker l’a pris sous sa coupe autoritaire, il regrette amèrement son choix. Le sergent Chesterfiled se gausse…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Comme cela est souvent le cas dans cette série mythique, Raoul Cauvin et Willy Lambil s’inspirent d’une figure authentique de la guerre de sécession pour échafauder la base de leur 54e intrigue humoristique. Cette fois, ce sera le personnage de Mary Edwards Walker, l’une des premières féministes américaines, doctoresse de profession et première femme à recevoir la Medal of Honnor (la plus haute décoration de l’armée américaine). Au passage, l’album se fait didactique, expliquant l’origine des vêtements masculins qu’elle portait (voyez la couverture), des robes « Bloomer » baptisées ainsi en hommage à Amélia Bloomer, la féministe qui imposa cette tenue. Cauvin attribue à sa Miss Walker un caractère autoritaire épouvantable (une condition préalablement nécessaire à toute vocation féministe… n’est-ce pas ?), ce qui forge le châssis comique de l’album. En ouvrant la conscience des troupes sur les horribles blessures qui les attendent, elle les démoralise et, de fait, devient la patate chaude que se refilent les deux corps d’armées antagonistes. Si on passe sur ce ressort bien commode, l’épisode s’avère supérieur, en rythme et en fond, aux quelques derniers opus (assez moyens). Blutch et Chesterfield cabotinent certes toujours beaucoup dans leurs chamailleries, mais c’est désormais ce qu’attendent les fans… Et à 74 ans, le dessinateur Willy Lambil maîtrise toujours parfaitement l’ambiance artistique de sa série, entre semi-réalisme et griffe humoristique. Il s’appuie certes sur nombre d’automatismes, mais qu’on excuse volontiers, au regard de la cohérence de sa belle œuvre.