L'histoire :
En glissant malencontreusement dans la salle de bain, sur une petite voiture appartenant à son fils, Victor Tourterelle s’est cassé la nuque sur le rebord de la baignoire. Le voilà bel et bien mort, sous forme de squelette, esseulé dans un monde lunaire d’une désolation sans pareille. Lui qui espérait une grande lumière, ou redoutait au contraire les cris, les flammes et les démons de l’enfer… Jamais il n’aurait pensé devoir s’ennuyer ainsi pour l’éternité. Pour « tuer le temps » (arf), il se met à sculpter dans la poussière un château gigantesque. C’est ce moment que choisit le facteur 23, squelette pourvu d’un képi et d’une sacoche, pour surgir sur son vélo. Il lui remet un recommandé avec accusé de réception, qui lui stipule son nouveau statut. Décédé entre mardi-gras et le mercredi des cendres, Victor s’appelle désormais « Monsieur Mardi-gras Descendres ». Peu satisfait de son sort, Mardi-gras Descendres se fait malgré tout oblitérer l’occiput et accompagne le facteur sur son porte-bagages jusqu’à l’agglomération de Sainte Cécile. Cette ville démesurée grouille de squelettes plus ou moins rafistolés. Au pays des larmes, où les os sont la seule richesse de leurs propriétaires, la perte du moindre métacarpe est un drame irréparable…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le premier tome de cette saga post-mortem a été récompensé en 1999 par le prix René Goscinny. C’est donc une rudement bonne idée là, que d’en rééditer les 3 premiers tomes, auxquels son auteur, Eric Libergé, promet une suite et fin de cycle pour 2005. Il faut dire, l’idée de départ et surtout son traitement, sont diablement (arf) originales. Voilà une BD où il y a encore plus d’os que dans Pierre Tombal ! Qu’il est cruel ce monde d’ennui et de poussières, au ciel noir, à l’horizon gris et infini. Avec beaucoup de talents graphiques, aux frontières de la bichromie noir et blanc, Libergé parvient à rendre palpable ce nulle part désespérant et abstrait. Cet état est surtout propice à bien des digressions métaphysiques, humoristiques ou empreintes de non-sens. Certes, le scénario n’est pas dénué d’une bonne dose de lieux communs judéo-chrétiens (il y a donc une vie après la vie), mais c’est tout de même fort réjouissant. D’autant plus que notre héros, cartographe de son vivant, se découvre une mission encore inédite : faire un plan de l’au-delà ! De quoi alimenter une suite riche en rebondissements…