L'histoire :
Paul Forvolino est un chercheur laborieux dans une entreprise pharmaceutique ambitieuse. Il n’est que « blouse grise », c'est-à-dire au plus bas niveau dans la hiérarchie de l’entreprise. En permanence brimé par ses supérieurs qui réclament de lui des résultats qui ne viennent pas, il s’enfonce chaque jour un peu plus au fond d’une spirale défaitiste. Médiocre, épuisé, découragé, il passe le plus clair de sa vie au boulot. Il délaisse totalement sa femme et ne voit plus sa petite fille que tard le soir, une fois qu’elle est endormie. Il est pourtant passionné par son domaine de recherches, les lichens, des végétaux à mi chemin entre les algues et les champignons, aux propriétés étonnantes. Un soir, contrarié par une menace de licenciement, il fait une erreur de manipulation et renverse sur lui une pleine éprouvette de produits chimiques à base de lichens. Les jours qui suivent, une métamorphose s’opère en lui : sa force et son énergie sont décuplées, ses recherches portent leurs fruits, son temps libre s’accroît et une succession de promotions lui confèrent le statut de « blouse rouge », au sommet de la hiérarchie…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce one-shot pour le moins original se situe à mi-chemin entre une chronique sociale et une aventure fantastique dans le genre superhéros américains. Concrètement, la scénariste Loo Hui Phang fait le curieux choix de relater très en amont la genèse d’un superpouvoir et de se pencher sur le malaise psychologique imposé par cette nouvelle condition. Dans les faits, le schéma très classique semble largement inspiré par le film La mouche de David Cronenberg : une maladresse scientifique transforme un type très ordinaire en superhéros. Ainsi sont nés Spiderman, Hulk ou Les 4 fantastiques… D’un autre côté, le discours social est un peu rétrograde : les entreprises sont de méchantes machines à aliéner les employés à la tâche, et le bonheur absolu se situe dans la reconnaissance sociale. C’est pourtant dans le mélange de ces deux genres, superbement orchestré, que Loo Hui Phang fait mouche. Les textes sont travaillés, le suspens fonctionne à merveille et à travers son récit, la scénariste touche des sujets captivants. Sur un découpage très classique, Hugues Micol livre un dessin aux traits rêches et épais en parfaite adéquation avec le ton pessimiste de cette histoire. A découvrir de toute urgence, dans cette réédition judicieuse sous bannière Aire libre !