L'histoire :
Lola, danseuse contemporaine répète inlassablement. Le chorégraphe du prochain « Tomato Car », le Commendatore, la harcèle pour obtenir la perfection : une interprétation respirant l’amour, la vie. De son appartement, Renée assiste à chaque répétition. Elle a jeté son dévolu sur la jeune femme et souhaite en faire le sujet de son prochain roman. Rudy, le large violoncelliste en pince de même pour la belle, un petit mot doux d’elle le jetterait à ses pieds. Lola ne sait pas décevoir, elle accepte la proposition de Renée et s’interdit d’éconduire l’amoureux transi. Mais si à cet instant, sa vie lui semble des plus banales, les heures qui suivent cette prise de décision s’écoulent de façon très inattendue. D’abord il y a son père qui surgit à l’improviste en divers lieux pour égrainer des valeurs morales peu conventionnelles. Il y a le Commendatore qui lui ferme son cours. Une coupure générale d’électricité qui plonge la ville dans les ténèbres et fait surgir les angoisses enfouies. Et puis, il y a celles et ceux qui en veulent à son corps de liane et tentent de se l’approprier : d’une horde de violeurs masqués en passant par le vieux chorégraphe, jusqu’à son propre géniteur. Enfin, il y a l’amour qui n’ose pas se faire une place, mais qui la suit à chacune de ses respirations…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Voici un ouvrage qui, pour plusieurs raisons, n’est pas à mettre entre les mains du premier venu. Il faut avoir déjà lu, pour lire ce Blutch, il faut déjà avoir regardé… La lecture est, en effet, déconcertante pour qui s’apprête à vivre un doux moment de détente les fesses bien calées dans son tendre canapé. Le récit est complexe à souhait, enchevêtré, décousu (mais personne ne nous empêche de le parcourir à nouveau… à nouveau…) et pour peu que l’on soit un indécrottable cartésien, on hurle à l’escroquerie. Ici, Blutch ne recule devant rien. Il se fout des tabous. Il a d’ailleurs le génie de ne pas s’attarder trop longtemps sur les situations dérangeantes grâce au rythme insufflé par son récit. Tout ce qui fait l’être humain y passe allégrement. En refusant de se voiler la face, l’auteur nous contraint à l’introspection (ça fait jamais de mal !). Et pour nous y plonger, il utilise intelligemment une narration onirique aussi « barrée » que nos nuits les plus agitées. Bien joué Monsieur ! Et si, alors, on accepte de rentrer dans son rêve, tout devient moins compliqué (bon, c’est pas limpide de chez limpide non plus…). Le seul mystère restant à élucider est de savoir ce que Blutch a voulu personnellement nous confier… Graphiquement, le premier coup d’œil ne soulève pas l’enthousiasme (mais qui nous empêche de regarder à nouveau… à nouveau…). Et pourtant… comment ne pas reconnaitre la virtuosité de son trait quand l’artiste prend le temps de nous faire savourer son art (ce n’est malheureusement le cas sur toutes les planches) ? Les quelques cases où Lola danse sont époustouflantes de grâce. Un coup de chapeau à Ruby, qui a eu la lourde tâche de réaliser la première mise en couleur d’un Blutch et qui s’y emploie parfaitement. Un ouvrage fidèle à la collection Aire Libre, réédité aujourd'hui en « Roman Aire libre » (petit format souple), en ce qu’il nous permet une autre approche de la BD.