L'histoire :
Un matin comme les autres, deux sœurs se chamaillent dans un appartement. L'une a piqué les barrettes à cheveux de l'autre. Les parents interviennent gentiment dans ce conflit entre soeurs, et les invitent à faire la paix. Elles doivent se rendre à l'école, et c'est leur père Ahmad qui les dépose avant d'aller ouvrir sa boutique. Sa plus grande fille lui remet une enveloppe, et lui demande de l'ouvrir à son travail. Curieux, il ouvre le présent de sa fille. C'est une photo d'elles et de leurs deux cousines, Zéré et Nizra, sur laquelle est inscrit : « n'oublie pas nos cousines adorées ». Trois mois auparavant, dans une contrée plus éloignée au nord de l'Irak, Zéré et Nizra vivaient dans une insouciance modérée. Préoccupées par des sujets propres aux adolescentes, comme les premiers amours, elles n'en oubliaient pas moins les difficultés éprouvées par leur peuple. Elles appartiennent aux Yézidis, une minorité persécutée par Daesh. Jusqu'ici, ils vivaient en cohabitation avec leurs voisins. Mais depuis que Daech est monté en puissance, leur situation devient plus dangereuse. Et un jour, le pire arrive. Leur famille est séparée. Les femmes et les enfants sont arrachés aux hommes de la famille. Cloîtrées dans des camps ultra-surveillés, il ne semble y avoir aucune issue. Zéré va pourtant se faire repérer et son tempérament rebelle intéresse Daech... Qui va mener un enlèvement pour la vendre comme esclave.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On connaît le scénariste Aurélien Ducoudray. Il est l'auteur de nombreuses bandes dessinées, dont notamment Kidz, Camp Poutine ou The Grocery. On connaît également Mini Ludvin, l'illustratrice de la série jeunesse Le Grimoire d'Elfie. Les deux auteurs combinent ici leurs univers, pour nous proposer un one-shot au sujet d'actualité, dont on parle pourtant assez peu. Connaissez-vous les Yézidis ? Cette communauté kurdophone suit les préceptes d'une religion monothéiste qui se transmet par tradition orale et qui mélange des éléments de différents textes religieux. Perçus par Daesh comme des adorateurs du diable, ils représentent une communauté persécutée. Et dans ce climat, les femmes subissent davantage de violences : viols, enlèvement, esclavage... C'est cet environnement violent et bouleversant que nous fait découvrir le scénariste, à travers les yeux de personnages féminins en pleine adolescence. Elles vont découvrir l'horreur et voir une impulsion de rébellion naître en elles. Au fil de l'histoire, le lecteur navigue entre deux familles, deux destins croisés qui mettent en exergue les différences dans les modes de vie, accentuant davantage l'atrocité de la situation yézidie. Si le début peut nous laisser croire à une bande dessinée assez insouciante à destination d'un public jeunesse, le contraste entre les illustrations très douces de Mini Ludvin et le scénario très dur d'Aurélien Ducoudray se renforce page après page. Ce titre fort et documenté permet une première prise de conscience et une connaissance de ce peuple yézidi.