interview Bande dessinée

Luc Brunschwig, Dimitri Armand et Aurélien Ducoudray

©Le Lombard édition 2015

Série phare pour les fans d'aventure, Bob Morane a connu durant plusieurs décennies de belles heures de gloire. Les années passant, le titre a vu sa popularité décroître doucement. Afin de redonner un nouvel élan au titre, le Lombard a offert à sa série un reboot à l'américaine, une version qui reprendrait les personnages phares de Bob Morane dans un contexte inédit et actuel. Pour cela, c'est une équipe originale qui fut constituée avec les scénaristes Luc Brunschwig et Aurélien Ducoudray, dont il s'agit du premier travail en commun, et du dessinateur Dimitri Armand. Ensemble, ils ont travaillé de longs mois sur la rénovation de ce héros mythique et à la création d'un premier album aussi accessible pour le profane que réjouissant pour le fan. À l'instar de Sophia Paramount, nous avions quelques questions à leur poser.

Réalisée en lien avec l'album Bob Morane Renaissance T1
Lieu de l'interview : Le cyber espace

interview menée
par
23 octobre 2015

Bonjour Messieurs, comment vous êtes-vous retrouvé sur BOB MORANE RENAISSANCE ?
Luc Brunschwig : Il y a de cela trois et demi, Christophe Bec et le Lombard s'étaient mis d'accord pour relancer Bob Morane, dans une approche graphique plus moderne. Christophe souhaitant se consacrer uniquement au dessin, ils ont dressé une liste d'éventuels collaborateurs scénaristes sur laquelle je me trouvais. Plutôt vers le haut visiblement, puisque Christophe m'a appelé pour me mettre le deal en main. Sur le moment, j'avoue que j'ai été un peu surpris. D'abord, je n'étais pas vraiment lecteur de Bob Morane et puis le fait qu'on fasse appel à moi pour un titre mainstream franco-belge m'a un peu désarçonné, je l'avoue. J'étais prêt à dire non, mais j'ai quand même demandé à Christophe de m'accorder 24 heures pour réfléchir à la question pour voir ce que je pouvais faire (ou pas) de cette icône. Je ne voulais pas avoir de regrets. En retournant la question dans tous les sens, il m'est apparu évident qu'un "aventurier" était avant tout, une porte ouverte sur le monde, quelqu'un qui trimbale son regard un peu partout sur la planète. Et ça, ça me parlait. En fait, j'écris de la BD pour deux raisons : distraire mes lecteurs et questionner le monde en utilisant mes histoires pour comprendre cette société, son évolution, vers quoi tout ça nous entraîne. Il y avait moyen de mêler les deux et de façon très efficace et explosive dans Bob Morane. Donc, même si ça ne m'avait pas frappé de suite, ce personnage était fait pour moi. En tous cas, j'avais quelque chose à faire avec lui. J'ai donc dit "oui". Par contre, si, comme je le souhaitais, nous allions interroger notre monde, il allait falloir réimplanter les histoires de ce Bob Morane dans un contexte contemporain, voir dans un léger futur, afin de défricher les grands questionnements des décennies à venir. J'ai donc fait la proposition à Christophe Bec, puis au Lombard. Gauthier Van Meerbeeck, leur directeur éditorial, s'est tout de suite enthousiasmé pour cette idée. De toute façon, les lecteurs de Bob Morane n'étaient plus très enthousiastes sur la version existante. Peut-être qu'une modernisation complète pouvait laisser espérer intéresser le personnage à une nouvelle génération de lecteurs. Sauf... Sauf qu'après réflexion, Christophe Bec est revenu vers moi, bien embêté en m'expliquant qu'au final c'était le côté vintage de l'imagerie Bob Moranienne qui l'excitait. Mais moi, vraiment pas. J'ai donc remisé mon idée, sans me douter que 3 mois plus tard, on viendrait me proposer de la redévelopper, en me plaçant à la tête du projet, après le départ de Christophe.
Aurélien Ducoudray : J'ai reçu un coup de fil de Luc qui m'a dit qu'on lui avait proposé quelque chose de grisant mais qu'il n'était pas sûr de le faire si je n'y allais pas avec lui. Luc, je l'ai rencontré comme professeur de scénario à Blois, c'est lui qui me coache depuis que je fais de la bande dessinée. Après avoir été son élève, il m'a proposé de travailler avec lui et pas de faire de la recherche de documents, c'était l'opportunité pour moi de lui piquer des petits trucs et de voir comment il bossait. Je ne lui ai même pas demandé sur quoi c'était mais il m'avait donné un indice avec les deux lettres B et M. Je cherche et puis au bout d'un moment, il me lâche le truc : c'est Bob Morane. Woah ! C'est gros quoi, un gros truc ! Cela n'a peut être plus le panache de ses premières années, mais c'est un personnage que tout le monde connaît. Je suis arrivé là-dessus par hasard sur une proposition. Après, on s'est mis au boulot pour que cela ne soit pas que du hasard !

Avant de prendre en main les rênes de la BOB MORANE RENAISSANCE, suiviez-vous la série existante ?
Luc Brunschwig : Honnêtement, non... j'ai lu beaucoup de choses depuis, mais au moment même de la proposition, je n'étais pas ce qu'on appelle un lecteur de Bob Morane. Je connaissais le personnage, sa réputation, son côté chevaleresque, défenseur de la veuve et de l'orphelin mais c'était à peu près tout. Mais là encore, j'étais intéressé à l'idée d'évoquer un tel personnage guidé par de tels sentiments... la bonté, la générosité ne sont pas des valeurs majeures de notre époque. On sent monter un fort individualisme, pas mal de mesquinerie et un franc repli sur des valeurs nationalistes et pas mal de manipulations par les médias. Comment pouvions-nous repenser Bob Morane pour que les valeurs qu'il défend ne paraissent pas désuètes voir ridicules ?
Aurélien Ducoudray : Je connaissais le personnage à travers la chanson, j'avais lu quelques bandes dessinées. Je crois que j'ai lu un roman et je ne saurais pas te dire lequel. Je ne connaissais pas bien Bob Morane. Je ne voulais pas faire un commentaire composé, je voulais faire une histoire. Le but du jeu n'était pas de prouver que l'on connaissait bien la série. Je n'en avais strictement rien à fiche. On nous a proposé de faire notre Bob Morane. Qu'est-ce que c'est qu'un héros aujourd'hui ? C'était plus ça qui m'intéressait. Qu'il s'appelle Bob Morane ou autre, peu m'importe. Je voulais avoir un personnage et lui donnais ensuite les qualités typiques d'un héros.

Pourquoi avoir choisi de travailler en binôme Luc et Aurélien ? Comment s'est passé cette collaboration ?
Luc Brunschwig : On m'a proposé de travailler sur Bob Morane a un moment pas facile de ma vie. J'étais en train de remonter doucement la pente après une sévère dépression. Je la remontais tout doucement et pour y arriver, je m'étais donné 5 ans pour boucler mes séries en cours et quitter ce métier pour autre chose. Il me semblait donc difficile de m'engager dans l'aventure "Bob Morane" en sachant d'avance que j'allais laisser assez vite tomber l'affaire. J'ai du coup proposé à Aurélien de se joindre à moi. Pourquoi lui ? J'avais formé Aurélien à ce métier, une petite dizaine d'années plus tôt. Nous avons une grande confiance dans le jugement l'un de l'autre et surtout durant ma phase dépressionnaire, Aurélien m'avait proposé de travailler ensemble sur un sujet qu'il avait initié mais pour lequel il n'arrivait pas à trouver le traitement adéquat. Curieusement, là où j'étais une loque quand il s'agissait de travailler seul, la collaboration avec lui fonctionnait plein pot. On savait donc que travailler à deux était possible et donnait même de très heureux résultat. Et puis, Aurélien est un bien plus grand globe-trotter que moi. Il a été reporter-photographe et a parcouru une partie de l'Europe et de l'Afrique. De plus c'est un passionné de ces sujets géo-politiques à venir que je souhaitais traiter dans Bob Morane. On adore tous les deux faire de la prospective-fiction. Bref... bref... Ha ! et c'est aussi un fichu bon dialoguiste.
Aurélien Ducoudray : Au début, c'était mon prof mais cela a vite dévié sur une belle amitié. C'était une forme de compagnonnage. On s'entend bien avec Luc. On ne partage pas du tout les mêmes choses mais dans le travail on s'entend très bien. Ça c'est fait très simplement, je suis allé passer quelques weekends chez lui pour discuter du personnage, savoir ce que l'on voulait en faire et sans aucune pression. Un peu comme si on avait abordé n'importe quel personnage.

Dimitri était surtout connu pour sa série ANGOR jusque là. Comment étiez-vous sûr qu'il serait THE MAN pour ce BOB MORANE ?
Luc Brunschwig : Dimitri était le choix de Gauthier Van Meerbeeck, pour lequel il était en train de réaliser le western SYKES avec Pierre Dubois... une super histoire qui va sortir une semaine après Bob Morane dans la collection "Signé". Gauthier allait partir en vacances et souhaitait nous présenter Dimitri à son retour, mais bon les réseaux sociaux, tout ça, tout ça... on a choppé Dim dans l'heure sur Facebook et on s'est lutiné pendant deux jours. Super contact, même vision de la BD et de l'implication de l'auteur dans son travail. Gauthier lui avait fait suivre une note d'intention où on décrivait la psychologie de certains des personnages principaux. Dimitri avait commencé à posé certains physiques et nous les a envoyés. C'est en voyant son Bill Ballantine qu'on a compris qu'on avait un super bon avec nous. Non seulement, son Bill existait, il avait de la chair, mais il nous parlait. J'entends par là que ce Bill taciturne, puissant, barbu nous racontait une histoire encore plus riche que ce qu'on avait imaginé... et il n'y a rien de plus enthousiasmant qu'un dessinateur qui nous donne du grain à moudre avec des personnages qui ont une histoire sur le visage, dans leur gestuel, leur façon de se tenir.
Aurélien Ducoudray : Dans mon souvenir, je crois que c'est l'éditeur qui nous a dit qu'il avait un jeune dessinateur qui travaillait sur un western, qui a fait quelques albums avant et qui serait la perle rare. On a bien vu qu'elle était rare tout de suite ! C'est plutôt Luc qui s'est chargé de la relation dessin. Ce n'est pas vers ce style de dessin que je vais, ça se voit lorsque l'on regarde mes autres albums mais j'ai beaucoup appris. Je n'avais travaillé avec un dessinateur qui a un style aussi réaliste et pas figé. Du coup, cela m'a donné des envies. C'est aussi une bonne rencontre. J'ai pu voir Dimitri à Nantes où il habite et on n'a pas du parler une seule fois de Bob Morane pendant le repas. C'est bien de travailler avec quelqu'un de doué et de franchement intéressant.

Dimitri, est-il difficile de revisiter les codes d'une série déjà bien établie ?
Dimitri Armand : En l’occurrence non, puisque je n'ai vraiment pas eu à respecter de charte graphique particulière. L'idée étant de partir sur de nouvelles bases, j'ai traité les personnages comme une nouvelle série. Je me suis bien sûr inspiré des physiques des personnages existants, pour respecter autant que faire se peut l’œuvre originale, mais quand ça me semblait nécessaire pour mieux coller à modernisation qu'impliquait notre histoire, je n'ai pas hésité à opérer certains changements, comme peut en attester le design de Bill Ballantine.


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Y a t-il eu certaines scènes plus difficiles à illustrer que d'autres ?
Dimitri Armand : Effectivement. J'appréhendais énormément d'avoir à aborder un univers contemporain, et effectivement, les décors, véhicules et certaines scènes d'actions se sont avérées être un challenge de taille pour moi, plus habitué aux univers plus permissif graphiquement parlant. Donc globalement dans l'album, toutes les scènes avec -relativement- beaucoup de décors, ou des véhicules, ont été des scènes plus difficiles à illustrer :)

Comment avez-vous appréhendé BOB MORANE RENAISSANCE ? Souhaitez-vous faire un reboot de la franchise à l'américaine en racontant les mêmes choses à notre époque ou bien tout réinterpréter ?
Luc Brunschwig : On l'a abordé comme une remise à zéro, comme un personnage qui n'avait jamais existé et qu'il fallait qu'on raconte à nos lecteurs. On a donc décidé de remonter aux origines de l'amitié de Bill et Bob, à ce petit moment où leur histoire bascule et fait basculer le monde dans un univers où Bob Morane devient central, où ses choix ont un impact direct sur le monde, sur beaucoup de gens, sur des technologies qui vont changer la vie. On a voulu montrer Bob avant qu'il devienne l'Aventurier, que les lecteurs sentent que notre histoire n'est pas monolithique mais le parcours d'un homme engagé envers les autres et qui est en train de se construire sous leurs yeux, parce qu'il voit des choses, prend des chemins dans lesquels il s'embourbe avant de rebondir. Nous sommes proche du reboot à l'Américaine, mais nous sommes peut-être allé à peine plus loin parce que les psychologies des personnages devaient être réinterprétées pour gagner en modernité et ne pas paraître obsolète. Par contre nous avons tenu à ce que les relations entre les personnages, leur engagements vis à vis de la vie et du monde restent cohérents par rapport aux personnages originaux.
Aurélien Ducoudray : Dès le départ, on s'était dit que si Batman existe depuis 75 ans, l'idée était que chaque équipe créative apporte quelque chose. Nous nous basions sur la même idée. Si Bob Morane était une franchise, qu'est-ce que l'on pourrait bien lui apporter ? Quel Bob Morane on aimerait bien lire aujourd'hui, en 2015 ?

BOB MORANE est une série qui compte également des figures bien connues comme Bill Balantine ou Tania Orloff. Aviez-vous l'obligation de conserver les caractères des personnages ?
Luc Brunschwig : Oui et non. Nous avons surtout tenu à ce que les relations entre les personnages, leur engagements vis à vis de la vie et du monde restent cohérents par rapport aux personnages originaux. Pour le reste on ne nous a fait aucune obligation, mais il se trouve tout simplement que ces personnages sont pertinents dans les histoires que nous voulions raconter. Ainsi dans un récit sur le néo-colonialisme en Afrique, L'Ombre Jaune devient naturellement le représentant du géant Chinois même si son dessein réel est bien plus complexe que ça et ne sera révélé que petit à petit.
Aurélien Ducoudray : En fait, je crois que l'on a été de bons élèves sans qu'on nous le demande. On s'est dit tout de suite que garder les points forts de Bob Morane comme la caractérisation des personnages. Chaque personnage peut être décrit en seulement quelques lignes. Ce qui est intéressant avec Bob Morane old school, c'est l'aventure et les péripéties. Les personnages sont décrits très vite dès le début et n'ont pas vraiment d'évolution ensuite. Comme nous étions vraiment conscient des qualités de la série, on s'est juste dit qu'il fallait moderniser tout ça et ramener la série à notre époque. J'aime bien avoir des récits qui parle de choses d'aujourd'hui.

La vision que vous proposez de BOB MORANE est moderne et bien ancrée dans son époque. Est-il parfois difficile de ne pas tomber dans une description trop réaliste de notre monde ?
Luc Brunschwig : C'est tout le charme de ce genre de récit. Garder un côté purement distractif alors qu'on évoque des horreurs et de vrais questionnements sur les dérives technologiques et politiques à craindre dans l'avenir (déjà que le présent est particulièrement gratiné). Une des raisons du travail à deux, c'est aussi qu'il y en a toujours l'un des deux pour rappeler à l'autre qu'on est là pour offrir un récit tendu, addictif, dynamique. Pas question de passer 10 pages dans une salle de conférence à taper la discute. Mais pas question non plus de sous interroger les questionnement que l'on met en place. Il faut trouver un équilibre entre les deux. C'est le challenge et l'idée qu'on se fait d'une réelle bande dessinée grand public.
Aurélien Ducoudray : C'est toute la question du premier tome. On ne sait pas encore qui est Bob Morane et du coup, on s'attache à en faire un héros. En fait, on raconte tout ça dans les deux premiers tomes.

La séquence d'intro de l'album est particulièrement dynamique et immersive. Pourquoi ce choix ? Aviez-vous la crainte que les lecteurs ne rentrent pas dans le récit en faisant de la sorte ?
Luc Brunschwig : Haha ! Oui ! Carrément. Mais je le répète, c'est aussi l'idée que nous nous faisons d'un bon récit grand public. Je travaille beaucoup sur l'idée de plonger un lecteur directement au coeur de l'action. Il faut alors lui permettre de choper rapidement les infos qui lui manque, le placer en état d'éveil et d'excitation pour qu'il vienne jouer avec nous. Je déteste l'idée d'un lectorat passif. La BD est un média génial dans le sens où les gens peuvent revenir en arrière, prendre le temps de s'interroger, de vérifier, relire. On n'est pas comme au cinéma où le spectateur est prisonnier du rythme que le film lui impose. Ici, on peut faire jouer le lecteur et en faire un partenaire.
Dimitri Armand : ​Et je tiens juste à signaler l'aspect divertissant de ses pages d'un point de vue réalisation graphique. Cela apporte une légère respiration, tant dans l'album pour les lecteurs, que dans la réalisation pour moi​.
Aurélien Ducoudray : C'est un piège ! Il faut être immédiatement dans l'action et ce dès la première case. On ne s'est pas posé la question de savoir si on plairait aux anciens fans ou aux nouveaux lecteurs. On était dans notre bulle pour faire la version la plus intéressante possible. C'est un peu hérité des séries télé américaines où avant que l'épisode ne commence, tu as 2 minutes où on est plongé dans l'action et où on ne comprend pas tout de suite.

Qui a eu l'idée de placer des "unes" de journaux à des moments précis ?
Aurélien Ducoudray : En fait, c'était une idée commune. Les unes de journaux prenaient toute une page qui ne sont pas à proprement parler des pages de bandes dessinées sauf qu'en terme de réalité, ça marque le lecteur qui se dit que Bob Morane fait la une du Times ! Ce n'est pas exactement le Times mais ce sont les mêmes codes visuels. D'un seul coup, on est dans l'ultra-réalisme. C'est une page qui est iconique. Le but de ce reboot est de moderniser Bob Morane mais aussi de lui redonner son statut d'icone d'antan. La société d'aujourd'hui n'est pas celle dans laquelle on le suivait. Un icone aujourd'hui fait la couverture de Times, GQ ou de Zoo !
Luc Brunschwig : Ça s'est fait petit à petit. Nous avions l'idée de pages de chapitrage, mais c'était une idée assez classique genre "Chapitre 2" - 6 ans plus tard. Le Lombard trouvait l'idée triste et surtout trop inhabituel dans un album de si faible pagination. C'est plutôt quelque chose qu'on trouve dans les romans graphiques. Et puis, on a repensé à la une des journaux qui sont présentés au procès de Bob en début d'histoire. On s'est dit que cette fausse "une" donnait beaucoup de réalité à ce que Bob avait fait avec Bill au Nigéria. Du coup, on s'est dit que ça pourrait être amusant de garder l'idée de ses unes pour chapitrer et faire un saut dans le temps. Que ça installerait l'idée que ce que les gens ont lu, a ensuite une audience partout dans le monde au travers de ses magazines et journaux d'actualité. Nous allons garder ce principe pour les tomes suivants.

Le premier album se termine sur un cliffhanger très prometteur. À quoi peut-on s'attendre par la suite ? Bill sera t-il plus présent ? Quelle genre de thématiques souhaiteriez-vous explorer ?
Luc Brunschwig : Eh bien, disons que Bob va se retrouver au sein d'un village qui lui est foncièrement hostile, parmi des gens armés jusqu'aux dents. Comment va-t-il s'en sortir ?? Telle est la question à laquelle nous ne répondrons pas aujourd'hui. Cependant on peut déjà vous dire qu'il y aura un tome 3. C'est d'ailleurs dans ce tome 3 que Bob et Bill se retrouveront réellement. Pour l'instant, ils vivent dans des lieux et dans des vies séparées, même si Bill espère rejoindre Bob au Nigéria. Pour la suite, nous avons déjà prévu 3 diptyques supplémentaires. un premier qui se déroulera à la frontière instable de l'Ukraine et de la Russie, où les armées privées sèment la zizanie, un autre qui se jouera dans les campagnes reculés de la Chine où les femmes ne sont plus assez nombreuses pour les hommes et un 3e qui verra le retour de Bob au Nigéria.
Aurélien Ducoudray : On va s'apercevoir que le pire ennemi de Bob Morane n'est peut être pas forcément son pire ennemi.

Pouvez-vous nous parler de vos prochains projets, en solo, en duo ou ceux qui arrivent tout bientôt ?
Luc Brunschwig : Alors, sur les quelques semaines qui viennent, outre ce tome 1 de Bob Morane, j'ai la joie d'annoncer la sortie du tome 4 de HOLMES avec Cecil qui marque un vrai tournant, puisqu'on va commencer à répondre à toutes les interrogations soulevées dans les 3 premiers tomes. On y verra même Sherlock Holmes à la seconde de sa naissance (sortie le 22 octobre). Il y aura aussi (enfin) l'intégrale tant attendue du cycle 1 du Pouvoir des Innocents. 300 pages de bonheur à petit prix chez Delcourt le 12 novembre. Sur le premier semestre 2016, toujours avec Aurélien comme coscénariste, nous sortons le tome 1 de Leviathan avec Florent Bossard aux dessins. L'histoire d'une gigantesque catastrophe à Marseille dont on va mesurer lentement l'ampleur et les conséquences. Voila pour le moyen terme.
Dimitri Armand : ​Pour ma part, en parallèle de Bob Morane, Le Lombard édite aussi Sykes, un western écrit par Pierre Dubois, sur lequel je travaille depuis 5 ans maintenant. Il sort le 6 novembre prochain. Pour la suite, j'espère un peu "lever le pied" en ne travaillant désormais que sur une série à la fois, à savoir Bob Morane.​
Aurélien Ducoudray : Comme Luc te le disait, on est parti sur une autre série qui s'appelle Leviathan qui parle de la destruction d'une bonne partie de Marseille par quelque chose, une sorte de météorite. On part du récit catastrophe mais on ne le trait pas de façon hollywoodienne mais plutôt comme une série HBO. C'est à dire que l'on part des personnages, au ras du sol ! Comment ils réagissent, comment ils reconstruisent, etc. Du coup, c'est une série avec un titre de film catastrophe et en fait, on en parle pas du tout. C'est une série catastrophe intimiste. Le dernier tome de The Grocery sort pour le prochain festival d'Angoulême. On est ravi et je suis assez pressé d'avoir des retours de lecteurs dessus car je pense, toute modestie gardée, que l'on a fait notre meilleur album sur les cinq que l'on a sorti. Lorsque je relis les planches de la fin, ça me remue de la même façon et j'espère que ce sera pareil pour le lecteur. J'ai pas mal de trucs qui vont sortir l'an prochain. Il va y avoir les chiens de Pripyat qui vont sortir chez Grand Angle avec Christophe Alliel. Cela raconte le parcours de chasseurs à Tchernobyl quelques mois après le drame. Ils sont payés pour aller tuer les derniers chiens vivants à Tchernobyl et qui sont contaminés. C'est tiré d'une histoire vraie. C'est rigolo de voir que c'est la dame qui a eu le prix de littérature cette année et que j'ai tiré mon histoire de 2 pages de son roman intitulé La supplication. C'est un roman et un reportage en même temps. Elle prend à chaque fois 3-4 pages pour accompagner l'histoire de ces chasseurs. Cela m'avait retourné à l'époque. On va suivre trois chasseurs payés pour tuer des chiens contaminés, ils sont payés 300 roubles par tête et l'un de ces chasseurs va emmener son fils avec lui. Sauf que dans la zone, tout est permis. On ne peut pas dire que c'est la suite d'Amère Russie mais c'est un peu la même ambiance. Amère Russie est en cours de réimpression et l'on a dépassé les 10.000 exemplaires, on est super content. On fait un autre album avec Anlor qui s'appellera À coucher dehors. C'est l'histoire de 3 clochards qui héritent d'une petite maison. Rien à voir avec Amère Russie, on est plutôt dans la comédie à l'italienne. Le ton est plus léger mais pas tant que ça. Pour qu'ils héritent de la maison, ils doivent s'occuper d'un trisomique qui a 30 ans. Donc ça n'est pas toujours pas facile. Sinon l'actualité proche va être la sortie d'un album chez Futuropolis et co-édité avec le festival BD Boum de Blois. C'est une BD reportage dans un institut psychiatrique. Sur ce titre, je travaille avec Jeff Pourquié. On est en immersion dans l'institut psychiatrique ! Il y a aussi d'autres récits de Doggy Bags.

À chaque fois, tu changes de styles de récits Aurélien. Y a t-il un genre de récits sur lequel tu ne sentirais pas à l'aise de travailler ?
Aurélien Ducoudray : Hum. Non je t'avoue que je ne t'interdis rien. Pas même une BD érotique, avec l'idée de biaiser le truc. Ça pourrait être rigolo. Je mentirais si je disais que je n'avais pas déjà quelques idées là-dessus. Il y a un super roman qui pourrait être adapté et dont les auteurs de Sex Criminals ont pris quelques idées, ça s'appelle Le point d'orgue de Nicholson Baker. C'est un vrai bon moment et ce n'est pas que du cul, il y a une vraie réflexion. Dans un autre genre, il y a aussi les gags en une planche. C'est tellement exigeant. Quand je vois Hervé Richez le directeur de Grand Angle qui travaille dessus, il faut une montagne d'idées.

Merci Messieurs !

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