L'histoire :
Calusia est un soldat italien de la seconde guerre mondiale. Blessé au front, esseulé dans un coin de Palabre, il construit une boîte en boîte avec les planches récupérées sur une maison à moitié éventrée. Sur la caisse, il grave : « Palazzo Pignatelli – Napoli ». Puis il la sangle avec des cordes sur le dos de son âne, qui brait, peu ravi de devoir transporter cette charge. Puis Calusia remet sa veste, son fusil en bandoulière et prend la route. Il pleut à verse lorsqu’il passe devant un couvent. Les nonnes cherchent une gamine qui manque à l’appel du soir, une certaine Concetta. En passant, elle demande à Calusia s’il est vrai que les américains sont là ? Calusia poursuit sans dire un mot. Il fait halte pour la nuit dans une grange en ruine. Après s’être assoupi, un bruit le réveille. Une ombre est tapie sur une poutre de la charpente. Il la met en joue. C’est la Concetta que recherchaient les nonnes quelques heures plus tôt. Concetta descend seule de là et menace Calusia avec une serpe : plutôt mourir que de retourner chez les nonnes. Calusia la désarme et cerne qu’il a affaire à un fort caractère. Il lui propose de l’accompagner à Bergame, à l’extrême Nord de l’Italie. Telle est sa destination. Concetta est prête à tout accepter, sauf à retourner à l’orphelinat…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec la complicité du dessinateur Thomas Azuélos, Aurélien Ducoudray adapte le court roman Le compagnon de voyage de Curzio Malaparte (publié en 1955). Ce récit s’appuie sur le contexte de la débâcle italienne qui suivit le renversement de Mussolini (juillet 1943), une période mal connue de notre côté des Alpes, phagocyté par l’occupation et la collaboration avec l’Allemagne nazie. A l’époque, le nouveau régime dirigé par le Général Badoglio ne peut contenir les hommes qui, livrés à eux-mêmes, décident de rentrer chez eux, alors même que les troupes alliées débarquent sur la Côte palabraise (Sud de la botte). Le personnage de Calusia est l’un d’eux, qu’on devine immédiatement traumatisé par un récent épisode : il reste mutique, il est blessé au front, il a décidé de traverser l’Italie du Sud au Nord pour convoyer ce qui ressemble à un cercueil. Il fait alors la rencontre d’une orpheline qui se joint à lui. Dans sa quête initiatique crépusculaire, ce duo improbable mais attachant fait des rencontres et éprouve le traumatisme d’un pays ravagé par la défaite, en perte de repères moraux. La narration prend le parti d’un traitement très commedia dell’arte, avec des personnages qui crient plus qu’ils ne parlent (les bulles sont écrites en gros caractères, les expressions des visages sont exacerbés). L’outrance des comportements déborde régulièrement et nous perd un peu dans l’intention centrale… Mais la dimension psychologique des personnages, la gravité du sujet, la peinture de cette époque trouble et le twist final emportent la partie. La distance nécessaire est prise et les non-dits sont éloquents, notamment à travers le dessin au lavis noir et blanc d’Azuléos, parfois recoupé d’une légère bichromie.
